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55 ANS DE DIABLES ROUGES.

60 ans d’acrobatie sur Jet

Serge Nemry - Janvier 2013


 Après le rassemblement à Chièvres, en octobre 2012, d’anciens pilotes qui ont, entre 1965 et 1977, fait partie des Diables Rouges sur Fouga Magister (voir notre reportage :  Chièvres voit rouge), nous avons souhaité revenir quelque peu sur ces belles années durant lesquelles les ailes ‘’noires, jaunes, rouges’’ ont brillé dans le ciel. Loin de nous de vouloir relater dans cet article toute la riche histoire de ces  patrouilles acrobatiques qui ont fait connaitre la Force Aérienne belge bien au delà de nos frontières. Plusieurs livres ont vu le jour sous la plume de différents auteurs et permettent de suivre pas à pas l’évolution de nos acrobates du ciel. Le premier, devenu rare et précieux, est celui écrit par le Capitaine Aviateur (aujourd’hui Commandant Avi.en retraite) Jean-Pierre ‘’Bill’’ Scruel, un ancien du team. Edité en 1979, son très bien documenté ouvrage ‘LES DIABLES ROUGES’’ retrace avec force détails les années d’acrobaties aériennes de la patrouille, des prémices d’avant-guerre à 1977. Les autres livres sont BUTTERFLIES IN THE SKIES; le premier ouvrage traitant des trente ‘’premières’’ années du Fouga au sein de la Force Aérienne Belge et dans le monde, publié en 1989 , réalisé par Danny Coremans, Marc DeBoeck, Jean-Pierre Decock, Jean-Marie Hanon, Patrick Janssens de Varebeke et Serge Nemry et le second ,  FOUGA MAGISTER de Serge Van Heertum et Marc Arys publié en 2007 lors de la mise à la retraite définitive de ce merveilleux avion.  Au travers de ce court article, qui ne fait que  survoler ces cinquante-cinq années, nous privilégierons les photos, autant de souvenirs de ce prestigieux passé.

Des années 30 aux Acrobob Boys.

  Dès 1933, on retrouve au sein de l’aviation militaire, dans le cadre de fêtes aériennes et de cérémonies militaires, la trace d’évolutions aériennes en formations sur différents types d’appareils comme les Fairey Fox, Fiat CR-42, Gloster Gladiator, Fairey Battle, Hurricane avant 1940 ou encore les Spitfire XIV après la guerre. C’est peu après l’arrivée des premiers avions à réaction au sein de la FAé., qu’une équipe acrobatique sur Gloster Météor F8, dirigée par le Major Avi.Robert ‘’Bobby’’ Bladt alors Commandant de la 350ème Escadrille de Chasse, est formée. Outre le ‘’CO’’,’’Pol’’ Dewulf (ailier droit),’’Bill’’ Ongena (ailier gauche) et ‘’Gamin’’Deprins (charognard) font partie de ceux qui sont rapidement baptisés les Acrobob Boys ou Acrobobs. Les entraînements se font en dehors des heures de prestations normales et l’Etat-major précise qu’il n’y aura pas d’appareils spécifiquement attribués à l’équipe, le volet opérationnel restant prioritaire. Ils entament leurs séries de représentations le 18 mai 1952  à Gosselies, lors du meeting organisé par Avions Fairey qui à cette époque assemble les Météor F-8. Ce sont les Acrobobs qui lors de cette fête aérienne vont pour la première fois porter une tenue spéciale, une combinaison de vol blanche offerte par le constructeur aéronautique. Deux mois plus tard, invités à Lyon, ils gagnent le concours International d’Acrobatie en formation organisé durant ce meeting, une surprise de taille pour les ‘’jeunes’’ pilotes confrontés à cette occasion aux meilleurs équipes européennes ainsi qu’aux célèbres Skyblazer américains. Le leader de cette patrouille dira des belges ‘’The best team I ever saw in Europe’’ ! Quelle reconnaissance ! Malgré les mutations qui touchent les pilotes, dont le CO parti à Koksijde, le team résiste et se reconstitue en 1953 sur la base côtière, siège de l’Ecole de Chasse. Forts de  leur réputation grandissante, les Acrobobs se produisent jusqu’en 1956 avec en points d’orgues, le meeting aérien de Rome Fiumicino où ils sont reçus en audience par le Pape Pie XII, suivi d’une dernière prestation d’envergure lors des fastes du 10ème anniversaire de la Force Aérienne célébrés par le Meeting des Nations, à Brustem, en présence du Roi Baudouin. Celui-ci, ébloui par l’audace et les évolutions acrobatiques des pilotes de  Météor, tient à les féliciter personnellement. 

Noir, Jaune, Rouge sur Hunter

Les Météors F8 retirés progressivement du service, le Major ‘’Bobby’’ Bladt,  basé depuis quelques mois à Chièvres, va dès 1957 relancer une patrouille sur Hunter F4, le nouveau chasseur du 7ème Wing. En font partie Bladt, Tonet (qui était réserve sur Météor) et les ‘’jeunes’’ Bodart et Doumont sélectionnés parmi de nombreux candidats. Hélas, le malheur frappe la patrouille lorsque Tonet doit, au cours d’un dernier vol sur Météor, s’éjecter et est grièvement blessé, son siège ayant atteint une vitesse extrême. Heureusement, courageux et volontaire, il se rétablit plus vite que prévu et rejoint la patrouille où Deprins l’avait remplacé au pied levé. Grace à ce retour imprévu, le CO Bladt convainc l’Etat-major de passer de 4 à 5 avions, plutôt que de retirer un pilote méritant. Nous sommes en 1958, année de l’Exposition Internationale de Bruxelles. Cette année là, lors du grand Meeting International organisé à Bierset, les Hunters belges évoluent devant le Roi Baudouin, le Roi Léopold III, le Prince Albert et plus de 100.000 spectateurs.
 Les patrouilles britannique des Black Arrows qui évolue aussi sur Hunter, italienne des Diavoli Rossi (F-84F Thunderstreak), grecque des Hellénique Flames (F-84F Thunderstreak), portugaise des Dragoes  (F-84 G Thunderjet) et américaine des Skyblazers (F-100 Super Sabre) étaient également de ce magnifique programme. La presse quotidienne et périodique relate avec ferveur les grands meetings aériens, le Patriote Illustré, magazine emblématique de l’époque, riche en photos,  y consacre  souvent plusieurs pages, mettant à l’honneur nos pilotes militaires. Fort des succès accumulés depuis sa création, la formation passe au cours des années à 9 et même 16 avions, de manière à d’abord égaler puis dépasser le nombre d’avions mis en œuvre par le team acrobatique de nos voisins d’Outre - Manche (Gosselies 1959), du jamais vu ! Début 1959, le team est officiellement baptisé ’ Diables Rouges ‘,  symbole du caractère national et de l’esprit d’équipe déjà mis en exergue par l’équipe de football du même nom. Comme le rappelait Red Dewaelheyns ce 30 octobre 2012 : à cette époque l’équipe nationale de football des Diables Rouges brillait par ses résultats et faisait la fierté de la Belgique. Son rayonnement, cumulé au prestige des aviateurs, offrait une renommée internationale à notre pays. L’année suivante, par mesure d’économie budgétaire (déjà !), la patrouille ne se compose plus que de  4 avions qui reçoivent cependant une décoration personnalisée, rouge sur le fuselage et les trois couleurs du drapeau belge sous les ailes ; de plus, les appareils sont pourvus d’un système fumigène destiné à rendre les évolutions plus visibles.
       

 C’est cette année-là  également que, lors d’un vol d’entraînement précédent le grand meeting du 7ème Wing, l’avion de Thys touchait celui de Deprins. Si ce dernier réussit à se poser en urgence, il n’en fût pas de même pour Thys qui perdit la vie dans ce dramatique accident. Un moment pénible pour le team qui décide, malgré ce drame, d’assurer, après un repositionnement des équipiers, la présentation à Chièvres. En 1963, il est décidé de mettre le Hunter à la retraite et de le remplacer par le F-104G Starfighter ; cette décision sonne le glas des Diables Rouges. Ils  effectuent une dernière présentation en juin, devant un public conquis, lors du meeting de Chièvres, la base qui les a vus naître 6 ans plus tôt.
   

Renaissance sur Fouga

Après deux ans sans nos Diables, le Major Jacques ‘’Red’’ Dewaelheyns, pilote qui  a l’acro dans le sang, commandant d’une escadrille d’entraînement sur Fouga Magister à Brustem, songe de plus en plus à  mettre sur pied une nouvelle patrouille acrobatique dans la lignée des Diables Rouges qu’il a toujours appréciés. Pour cela, il doit non seulement trouver la parade au manque de puissance des moteurs du Fouga mais également faire face aux réticences de ses supérieurs. Obstiné, il réussit à force d’entraînements effectués dans la plus grande discrétion et malgré les nombreux obstacles ‘’administratifs’’, à créer cette patrouille sur Fouga dont il rêvait tant. (Pour plus de détails sur cette période, nous vous invitons à lire:  Un parrainage d'exception. Interview du Colonel Aviateur er. Jacques 'Red' Dewaelheyns, parrain des Diables rouges 2011). Outre le Commandant Dewaelheyns, les Capitaines Lelotte, Van Essche et Delbecke, les Lieutenants Fagnoul et Van D’Helsen sont de la partie. Malheureusement un accident de vol coûte la vie à Van D’Helsen qui est remplacé par le Lieutenant Van Meerten, moniteur hollandais officiant à Brustem. C’est donc en 1965 que la nouvelle patrouille voit le jour et effectue sa première prestation ‘’ grand public’’ le 27 juin à Brustem, lors du  Meeting International de la Force Aérienne. Les Diables Rouges rejoignaient ainsi les ‘’grands’’ d’Europe et même des Etats-Unis. La photo prise lors de ce grand événement montre le Major Dewaelheyns en compagnie du Major Paul Kauttu des Thunderbirds, du Capitaine Grand’Eury de La Patrouille de France, du Flight Lieutenant Terence Francis des Red Arrows et du Commandante Di Lollo des Freece Tricolori. Dès leur deuxième saison, résultat d’une popularité grandissante, les Diables Rouges sont invités à se produire à 24 reprises, d’avril à octobre, tant en Belgique qu’à l’étranger. Cela revient à quasi un meeting par semaine. Fin d’année ’’Red’’Dewaelheyns, leader incontesté, reçoit son ordre de mutation pour l’Etat-major de la Force Aérienne ;  il passe le témoin au Commandant Paul Van Essche, compagnon des premiers jours et pilote expérimenté qui totalise plus de 3.000 heures de vol.
   
   

 Un second accident mortel endeuille le team le  24 mai 1967 quand le Capitaine Braken qui vient de rejoindre l’équipe se tue à l’entraînement à quelques kilomètres de Saint-Trond. En juin de l’année suivante, le sort s’acharne encore sur la patrouille et c’est le Capitaine Malpas qui perd la vie lors de la dernière répétition précédent le meeting organisé par le Centre de Perfectionnement. Un coup très dur au moral de l’équipe qui décide que malgré ce coup du sort il faut continuer ; une présentation à 5 avions est rapidement programmée pour repasser à 6 avions en 1968.
   
   

 Cette année là, lors du meeting international de Koksijde, les Diables Rouges avec pour leader le Commandant .Avi Van Essche  prennent la tête d’une formation exceptionnelle comprenant les Frecce Tricolori sur Fiat G-91 (Italie), les Gemini sur Jet Provost (Grande Bretagne), les Red Arrows sur Folland Gnat (Grande Bretagne) et la Patrouille de France sur Fouga Magister. Un événement que les pilotes de l’époque ne sont pas prêts d’oublier.
     

 En 1970, sous les ordres du Commandant ‘’Joss’’ Lelotte, encore un homme de la première heure, un team au sang neuf est constitué. En font partie, outre le leader, le Capitaine Christiaens, as de la voltige sur Stampe  SV-4b, ancien du célèbre duo des ‘’Manchots’’, les jeunes Sous- Lieutenants Jean-Luc Herygers, Jean-Marie Ligot, Jan Fransen, Dany Van Belle et Henri Dewasme, tous instructeurs de vol à Brustem.
   
     

 La première crise pétrolière de 1972 a pour effet de diminuer les heures de vol au sein de la FAé. mais également de réduire la patrouille à 2 pilotes/2 avions, pour ‘’remonter’’ à 3 pilotes/ 3 appareils l’année suivante, avec dans certaines circonstances une présentation ‘’solo’’ du SLt. André ‘’Dédé’’ Muller en alternance avec le SLt. Lucien ‘’Lulu’’ Servais.
         

 Heureusement, après deux ans de ‘’diète’’, les restrictions sont levées et la patrouille est à nouveau composée de 6 avions placés sous le commandement du Cdt. Avi. Léo Lambermont, un pilote qui totalise plus de 5.000 heures de vol. L’aventure prend fin en 1977, année du 25ème anniversaire de la création des Diables Rouges (sur Hunter) ; en cause les contraintes liées à l’arrivée prochaine de l’Alpha Jet à Brustem et de la conversion des pilotes –instructeurs, y compris les pilotes de la patrouille, sur ce nouvel avion. La ville de Lummen sera, le 11 novembre, le dernier témoin oculaire de ces 12  très belles années sur Fouga. Les derniers membres de cette prestigieuse patrouille sont : le Commandant Léo Lambermont (4 ans comme leader), le Lieutenant  Phil Demolin (1976-1977), le Capitaine Guy Lambermont (1974-1976), le Capitaine Charly Hubert (1975-1977), le Lieutenant Jean Breuls de Tiecken (1977), le Lieutenant ‘’King’’ Lempereur (1977), le Capitaine ‘’Bill’’ Scruel (1977).
   
 

  A cette époque tout un chacun espère voir le team, emblème incontestable de notre Force Aérienne, reconstitué sur Alpha-Jet. Hélas, faute de moyens, la FAé. ne pourra répondre favorablement à ce souhait populaire et ce sera l’occasion de la montée en puissance des ‘’solos displays’’. Heureusement, en mai 2011, à l’initiative du Général-major Aviateur Claude Van de Voorde,Chef d’Etat-major  COMOPSAIR, et du Colonel Aviateur er. Jacques Dewaelheyns,  les  ‘’Red Devils’’ reprennent des couleurs sur Marchetti SF-260M. (Voir  Les teams démo 2011.) Du grand bonheur pour tous les fans !

Je remercie tout particulièrement Monsieur Guy Putman qui a ouvert, pour Flying-Zone, sa collection photographique des  ’’ Diables Rouges’’ et ressorti  quelques documents d’archives plus qu’intéressants. Guy photographie les Diables Rouges en ‘’noir et blanc’’ depuis 1958 et a eu le privilège lors de son service militaire, en 1969,  comme candidat officier de réserve à la Force Aérienne, d’être le ‘’Public Relation’’ du team, ce qui lui a permis d’accompagner et de photographier la patrouille en vol. Merci Guy pour ce travail de patience. Merci également à Jacques ‘’Red’’ Dewaelheyns pour ses conseils avisés et les réponses à mes nombreuses questions. Bibliographie : Les Diables Rouges de Bill Scruel, programmes des meetings aériens d’époques, Nos Forces, VOX, dépliants et plaquettes des Diables Rouges, Le Patriote Illustré, Magazine Tous Brabant Wallon.