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Euronef ATTL 1

"Conquérant 26"

Luc Barry - Mai 2020


  La Société Anonyme Euronef - European New Economical Flying - est fondée le 18 avril 1986 à Lessines par Léon Druez (président) et Paul Brixy (administrateur délégué) de SABCA avec les encouragements de la direction de la firme aéronautique belge. Le but est de s’introduire dans la niche des avions très légers biplaces, de poids à vide inférieur à 175 kg, se situant entre les ULMS et les avions classiques, secteur occupé à ce moment par un seul avion construit en série, le français Robin ATL. Les concepteurs de l’ATTL 1 se basent sur une dérogation à la législation belge de 1983 permettant le passage de 150 kg à 175 kg  pour cette catégorie d’aéronefs. C‘est en hommage à Magritte, originaire de Lessines, qu’est attribué à l’avion le nom de Conquérant, thème d’une de ses toiles peinte en 1926. Le nouvel aéronef belge vise le remplacement des nombreux Piper Cub avec un prix de vente estimé à 1,4 millions bf (34 705 Euros), inférieur à l’avion américain tout en offrant des performances similaires mais en restant cependant deux fois plus cher qu’un ULM. Facilement démontable et transportable, l’ATTL 1 est prévu notamment pour les pays d’outre-mer, aux infrastructures rudimentaires, pour des missions utilitaires comme la photo aérienne, contrôle de troupeaux etc. Grâce à sa conception en matériaux composites, il est insensible aux conditions climatiques et les inspections périodiques ne sont plus nécessaires. Le tableau de bord est soit à instrumentation classique soit électronique en utilisant un écran digital monochrome.
 Afin de respecter la limitation de poids, il est impératif de se tourner vers les matériaux innovants de faible poids. Pour cela il est fait appel à Jean-Charles Vendy, fondateur au Centre Universitaire de Charleroi du département de recherche et de mise en œuvre de matériaux composites. Cet ingénieur civil devient le responsable du département recherche et développement d’Euronef. Dans le cadre d’une convention concernant les technologies nouvelles un accord est obtenu de la Région Wallonne pour l’obtention d’une subvention remboursable de 26 millions bf (644 523 Euros).
 Les études de modélisation sont réalisées par le centre de calcul de l’ULB au moyen d’un logiciel spécialisé de conception assisté par ordinateur (CAO) et le logiciel « CATIA « de Dassault-Bréguet utilisé à la SABCA.  En ce qui concerne la fabrication des matériaux composites, un four de polymérisation à commande numérique de grande dimension doit être spécialement étudié et construit.
Le moteur choisi est le Rotax de 52cv, largement utilisé dans le monde pour son fonctionnement très silencieux en se contentant d’essence de qualité normale.
 Une maquette est présentée au Salon du Bourget à Paris en juin1989 et suscite l’intérêt d’acheteurs potentiels. Le prototype assemblé en octobre 1989 dans les ateliers Euronef à Marcq-lez-Enghien y subit les essais statiques et de soufflerie en novembre. Il est présenté officiellement le 4 décembre en présence du ministre régional wallon compétent pour les technologies nouvelles, Albert Liénard.
 Le premier vol est effectué le 28 mars 1991 par Serge Martin, pilote chargé habituellement chez SABCA de la réception des F-16 après révision. Les essais en vol démontrent de meilleures  performances que celles estimées lors des études notamment en ce qui concerne la vitesse maximale de pallier.
 La commercialisation de l’ATTL1 démarre en septembre et abouti à une quinzaine d’options sur le marché belge tandis que la chaîne de production pour trois à quatre avions par mois doit débuter en 1991 après la construction d’un nouvel aérodrome à Basilly pour les essais et livraison des avions. (Note)
 Malheureusement, l’Administration de l’Aéronautique Belge bloque le projet car elle n’accepte plus de dérogation tant qu’une nouvelle loi n’est pas votée autorisant le passage à 175 kg au lieu de 150 kg, ce qui est impossible à atteindre dans le cas de l’ATTL 1, entraînant l’abandon de cette belle aventure et la faillite d’Euronef le 14 juillet 1992.



Caractéristiques techniques :
   Longueur : 5,75 m       Envergure : 11,12 m      
   Poids à vide : 175 kg    Poids avec équipements :200kg    Poids maximum au décollage : 390 kg
   Vitesse maximale : 140 km/h     Vitesse de croisière: 120 km/h     Vitesse économique : 110 km/h
   Vitesse ascensionnelle : 40 m/sec à 100 km/h      Vitesse de décollage : 50 m
   Distance de décollage : 50 m      Autonomie en vitesse de croisière : 550 km
   Deux exemplaires construits :  00-896 (prototype)  et  00-A06



 (Note) :  Les ateliers à Marcq-lez-Enghien ne disposaient pas de piste pour les essais en vol des avions, il était donc nécessaire de trouver un aérodrome très proche, mais il n’en existait pas dans la région. Des terrains d’une superficie de 15 hectares propices pour installer une piste de 630 m en herbe sont trouvés à 500 m à peine des ateliers le long de l’autoroute A8 au hameau « Petit Bruxelles « dans la commune de Bassilly. Comme il était interdit dans les statuts d’Euronef d’effectuer des opérations immobilières, la société Eurosilly était fondée dans le but d’acheter les terrains, de gérer l’aérodrome une fois ouvert et d’y amener d’autres utilisateurs aériens ainsi que  de petites sociétés actives dans le secteur des nouvelles technologies vertes pour occuper les espaces non-utilisés par les opérations aériennes. En juin 1990 au début du projet, la Commission d’Aménagement du Territoire ( CAT ) et l’Exécutif Régional Wallon émettaient un avis favorable mais une enquête publique de révision du plan de secteur pour changer la zone agricole en terrain industriel devait encore être introduite en mai 1991. Malgré la faillite d’Euronef en juillet 1992, Eurosilly continuait les pourparlers avec les propriétaires des terrains et la commune pour trouver de nouveaux promoteurs de préférence dans le milieu de l’aviation.  Appuyée par une pétition de riverains, la CAT arrivait à la conclusion en décembre 1992 que la mise en service d’un aérodrome constituait un risque tant pour les avions qui survoleront à basse altitude l’autoroute toute proche que pour les voitures en circulation. S’y ajoutait l’argumentation de pollution sonore et environnementale. Il n’en fallait pas plus pour abandonner le projet d’implantation d’aérodrome à Bassilly.