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BD-01, c'était il y a quarante ans !

Serge Nemry

Le 29 juin 1970, restera pour de nombreux pilotes militaires, un jour mémorable. C'est en effet à cette date que le premier Mirage 5, un biplace tout alu, se posait sur la base du 2ème Wing Tactique à Florennes. Aux commandes, les Lieutenant-colonel Aviateur Barthélémy et Declerck.Ce dernier mieux connu sous le surnom de ‘Staff', un homme entier, généreux et expérimenté, sera également neuf ans plus tard aux premières loges dans le cadre du programme F-16, il terminera sa carrière comme Général-Major. Ce sont ces deux officiers supérieurs qui ont été chargés d'analyser les possibilités existantes en vue de procéder au remplacement du vénérable chasseur bombardier F-84F et du RF-84F de reconnaissance aérienne après dix-sept ans d'opérations. Rappelons que ces avions, 231 appareils (197 F et 34 RF) livrés par les Etats-Unis dans le cadre du programme d'aide militaire MDAP avaient été mis en service au sein des 2ème Wing (Florennes) et 10ème Wing (Kleine -Brogel) à partir de 1955.

Un choix laborieux.

Comme écrit ci-dessus, à l'aube des années 70, Thunderstreak et Thunderflash ne seront plus aptes à remplir les missions assignées par l'OTAN, même si l'appareil reste pour les pilotes très fiables. Enfin dès janvier 1968, l'US AIR FORCE retirera de son inventaire ces avions conçus à l'époque de la guerre de Corée, ce qui aura pour conséquence une raréfaction des pièces de rechange et une gestion logistique alourdie pour la FAé. En conséquence, en mars 1965 une procédure d'évaluation du marché en vue d'acquérir un nouvel avion est lancée. Nos voisins de la Koninklijke Luchtmacht, confrontés au même problème s'associeront dans un premier temps à cette étude. Après un large tour d'horizon, qui permettra entre autre à 'Staff' Declerck de faire un vol en A4 Skyhawk, cinq avions restent en lice : le F-104S, version remotorisée et upgradée du F-104G, le SAAB DRAKKEN, le NORTHROP F-5, le FIAT G-91Y et le MIRAGE 5 (et non le MIRAGE V comme souvent écrit). Nous n'évoquerons pas ici les très (trop) nombreux débats politiques très animés et, parfois envenimés ainsi que les multiples hésitations et remises de décisions qui ont émaillés cette-longue- période d'évaluation. Pour preuve, en 1966 les Chefs d' Etat-major Hollandais et Belge définissaient des spécifications communes pour le F-5, mais ce choix purement 'militaire' ne sera pas entériné par les politiciens belges. Retenons que nos voisins bataves, lassés de nous attendre choisirent en janvier 1967 le CF-5A (version canadienne du F-5).Finalement ce sera un gouvernement démissionnaire dont le célèbre 'VDB' Paul Van Den Boeynants en est le premier Ministre, qui entérinera le 16février 1968 un choix qui ne fait pas l'unanimité politique. La Force Aérienne recevra cent et six Mirage 5 répartis en soixante-trois monoplaces chasseurs bombardier (BA), vingt-sept monoplaces de reconnaissance(BR) et seize biplaces d'entraînement (BD).Dès que le contrat fût signé les Ltn. Colonel Barthélémy et Declerck définirent en collaboration avec les ingénieurs de Dassault les critères propres à la version belge. La SABCA et la SONACA se chargeront de la construction de 103 avions, la Fabrique Nationale(FN) se chargeant des moteurs. Un avantage acquis pour notre industrie aéronautique dans le cadre des négociations sur les compensations économiques liées au contrat. Le premier exemplaire de chaque version (BA-BR-BD) sera assemblé chez Dassault.

L'origine du Mirage5.

La plupart des sources autorisées conviennent que le Mirage 5, avion de combat polyvalent Mach 2+ est né d'un programme d'étude lancé à la demande de la Force Aérienne Israélienne. Celle-ci souhaitait renforcer sa composante d'attaque au sol par un appareil proche du Mirage III, mais simplifié dans son électronique tout en recevant des capacités opérationnelle accrues. L'autre avantage étant pour elle de gagner du temps dans la conversion des pilotes facilitée par un passage rapide du Mirage III à la variante M5. Pour faire bref ce 'nouveau' Mirage directement dérivé du Mirage III reçoit un ATAR 9C comme sur les IIIE, le radar Cyrano est supprimé et le nez allongé. Cette modification permet un emport de quelques 500 litres de carburant supplémentaire dans un réservoir placé à l'arrière du cockpit en lieu et place d'équipements électronique jugés superflus, ou simplifiés. Ceux-ci ont été relocalisés en partie dans le nouveau nez. Les possibilités d'armement consistent en deux canons DEFA 552 de 30mm installé en permanence à l'avant du fuselage, et sept points d'emports pour armements extérieurs avec poutres multiples, permettant l'emport de plus de quatre tonnes d'armement. Le Mirage 5 effectuera son premier vol le 19 mai 1967 et Israël n'en profitera pas, un embargo sur le matériel militaire à destination de ce pays ayant été décrété par le gouvernement Français.

Conversion made in France.

Voilà donc quarante ans déjà que Vermoessen, Dupont, X.Janssens, G.Janssens, Waeghe, Pallat, Laurent et Jourez, piliers de la 8ème Escadrille, qui sera officiellement réactivée le 15 juillet 1970, prenaient possession du BD-01. Le commandement de l'escadrille à la Cocotte bleue est confié au Major Paul Jourez. Ce dernier nous dit sa grande satisfaction d'avoir pu au prix d'un important travail collectif, mettre aux points des procédures standardisées pour les phases d'approche et d'atterrissage, deux phases jugées difficiles et qui nécessitent une attention constante du pilote. Ce qui dans l'absolu a grandement facilité la tache de tous les pilotes tout en assurant une meilleure sécurité à tous les niveaux. Ces huit pilotes, avaient au préalable suivi deux semaines de cours au sol puis, une formation sur Mirage IIIB et IIIC au sein du 02/002 Côte d'Or à Dijon, le premier vol 'belge' s'effectuant le 23 janvier 1970. Sur IIIC, différents types de missions sont réalisés : vols à Mach2, interceptions supersonique, navigations à basse altitude, tirs au canon de 30mm sur cibles au sol et vols de nuit. S'ensuit un passage par la 13ème Escadre de Chasse à Colmar et le 1/13 Artois équipée de Mirage IIIE, le cheval de bataille de la Force Aérienne Tactique. C'est au départ de cette base qu'un 'chanceux' effectuera un décollage avec fusées d'appoint et dira : Bon sang que cela grimpe et accélère sec! Et c'est toujours depuis cette base alsacienne que 'Dupe' Dupont et 'Guss' Janssens partiront saluer les copains de Bierset en IIIE. Dupe raconte que les deux compères devaient préparer une navigation dans le sud de la France, Guss pourtant traçait déjà le trajet devant les mener au dessus de Liège. Le commandant d'escadrille remarquant que le tracé ce dirigeait plutôt vers le nord, en fit la remarque à Guss. Ce dernier, vraiment pas perturbé retourna la carte de 180°et dit : Et comme cela CO on va bien au sud hein!. Puis, après une trentaine de vols sur le delta et quelques passages au simulateur, retour à Dijon pour la f ormation de moniteur. Les huit pilotes terminent leur formation d'une durée de sept mois le 2 juillet et marquent l'événement par un passage au dessus de la base de Dijon en box de quatre Mirage IIIB. Pendant cette période, les huit pilotes ont également passés une partie de leurs soirées à la rédaction du dash-one, la bible du M5, qui détaille tous les systèmes de l'appareil ainsi que les procédures de secours. Précisons encore que les premiers pilotes à voler ‘'solo ‘' sur Mirage IIIC sont les Colonels Avi. Barthelemy (juillet 1969) et Declerck (novembre 1969). Durant cette période les techniciens reçoivent également une formation complète sur le nouvel avion, tandis qu'à Florennes des travaux d'infrastructure sont en cours. Il s'agit notamment de l'installation d'une barrière d'arrêt (les M5 belges sont équipés d'une crosse d'arrêt), d'un atelier moteur et d'un atelier électronique modernisé.

A Florennes

Ce premier biplace aux cocardes belges fait partie d'une série de 16 commandé en 1968, il a effectué son premier vol le 6 mars 1970 à Melun- Villa roche avec aux commandes Mitaux-Maurouard pilote d'essais de Dassault. Il sera rapidement suivi du monoplace d'attaque au sol BA-01. Le BD-01 sera le seul en service alors que la 8ème s'installe à Florennes. Il sert essentiellement au perfectionnement des techniques de vol et, à la mise en œuvre d'un programme de conversion pour les pilotes ayant auparavant volé sur F-84F, Thunderstreak, RF-84F Thunderflash ou F-104G Starfighter. Le 1er octobre le premier cours de conversion est lancé et c'est la deuxième escadrille 'Comète' qui ouvre le bal. Franz Janssens (n°18), Gilbert 'Mumu' Mullenders (n°19), André 'Phil' Dambly (n°20) seront les premiers lâchés solo le 18 novembre 1970. Le 9 octobre 1970, la jeune escadrille reçoit la visite du Roi Baudouin, en grande tenue de Lieutenant Général de la Force Aérienne, accompagné de P.W Shegers, Ministre de la Défense et du Lieutenant Général Aviateur Ceupens, Chef d'Etat-major de la Force Aérienne. Le Souverain se faisait présenter l'ensemble du personnel, pilotes et techniciens, chargés de mettre en œuvre le nouveau chasseur bombardier. A cette occasion le BD-01 se trouvait en première loge. La 42ème entame son passage sur Mirage5 en juin 1971 et enfin après avoir fait mouvement sur Bierset (3ème Wing Tactique) en décembre elle entame dès janvier 1972 la conversion des pilotes de la 1ère Esc. Ce premier Mirage5 biplace, poursuivra sa carrière jusqu'en 1990, tantôt au sein de la 8eme, tantôt sous l'emblème de la Comète, tantôt sous celui du Chardon. Retiré du service il sera stocké à Koksijde, puis à Weelde avant de subir les transformations MirSip–Mirage Safety Improvement Program-prévues dans le contrat signé avec la SABCA en1988.Ce contrat signé en temps de crise budgétaire entérinait la modification de vingt appareils seulement. Ces appareils recevront un nouveau siège éjectable, des plans canards fixes pour améliorer la manœuvrabilité aux basses vitesses, une centrale a inertie qui sert également de calculateur de navigation, un télémètre laser Thomson un viseur tête haute ainsi que d'autres améliorations de l'avionique. Le premier avion transformé est prêt en 1993, trop tard pour la Force Aérienne, puisque le gouvernement avait décidé le retrait total des Mirage 5 et la préservation de ceux-ci sous cocon, à l'abri de corrosion dans les installations de Weelde.

Destination Chili

Le BD-01 sera cédé à la Fuerza Aérea de Chile(FACh) en 1994 avec quinze autres appareils, sous la dénomination de M5MD ' ELKAN' et portera le code 716. Deux de nos pilotes de Mirage Ulrich 'witte' De Bruyne(8ème Escadrille) et Michel 'Buggy' Van Buggenhout ( ex 42ème Escadrille, 1289 heures sur M5 et 134 heures sur MirSip/ Elkan) voleront alors sur Elkan comme instructeurs au profit des pilotes Chiliens. Nos deux pilotes expérimentés sur M5 entameront une conversion théorique à la SABCA puis, le contrat avec le Chili signé, une formation en vol. Dans un premier temps, la conversion se fera au départ de la base de Brustem (Sint-Truiden) d'octobre 1994 à fin mars 1995. Cinq pilotes seront formés, le Commandant d'escadrille, le 'test pilot' chargé de réceptionner les avions, l'officier d'opérations, un flight co et un moniteur venu de la base de Punta Arenas. Ensuite les deux instructeurs belges prennent la direction d'Antofagasta au Chili et s'intègrent au grupo8 pour y entamer l'écolage de six nouveau pilotes. Apres sept mois sur place ils reviennent au pays mettant ainsi un point final à la saga du Mirage 5 belge.

Les dix premiers solos :
Solo 1 : Paul 'Staff' Declerck, Etat-major ,16-04-70
Solo 2 : Etienne''Bartho'' Barthélémy, OSN 2ème Wing, 30-04-1970
Solo 3 : Serge'' Cadet'' Martin, pilote d'essais SABCA, 30-04-1970
Solo 4 : Paul Jourez, CO 8ème Esc., 06-07-1970
Solo 5 : Albert Leduc, pilote d'essais SABCA, 17-07-1970
Solo 6 : Jean-Marie ‘'Dupe'' Dupont, 23-07-1970
Solo 7 : André ‘' Dédé'' Laurent, 23-07-1970
Solo 8 : Pierre''Moes'' Vermoesen, 28-07-1970
Solo 9 : Auguste ‘'gus'' Janssens, 31-07-70
Solo 10 : Xavier ‘' Xav'' Janssens 04-08-1970

Une ballade gourmande pour un anniversaire                

Pour marquer l'anniversaire de l'arrivée du BD-01, la Mirage5 Pilot Association (MPA) qui rassemble fraternellement tous les anciens du personnel navigant et non navigant ayant opéré le Mirage, a organisé une marche gourmande dans les installations du 2ème Wing Tactique de Florennes. Sur les lieux même des premières opérations du' delta'' de notre Force Aérienne, les plus courageux ont effectués les quelques 7 km du parcours en 6 heures… ! Normal ! Le chemin balisé par une signalisation propre aux ‘'Miragistes'' était émaillé de nombreuses étapes gastronomiques de qualités. En fait, sept points de ravitaillement étaient prévus au programme des marcheurs et forcément cela freinait un temps soit peu l'ardeur de tout un chacun. Au menu : apéritif, potage, entrée, trou normand, paella, fromage et un dessert servit en toute fin de parcours. Pour tous les participants c'était un réel plaisir de se promener tout en se remémorant les bons souvenirs qui ont agrémentés les années passées sur le seul avion delta ayant équipé notre Force Aérienne. Très intéressant également, durant cette belle ballade ensoleillée, la visite d'endroits insolite, comme cette vielle construction allemande qui abrite aujourd'hui deux F-16 déclassés et sérieusement cannibalisés ou encore le bunker de commandement du 485 Tactical Missile Wing Wing Américains qui a occupé la base avec ses missiles de croisière. Dans un autre hangar de la base, le personnel de la Ligne & Armement présentait toute la panoplie de bombes et missiles que peut emporter un F-16 en opération. Impressionnant ! Sur l'ancien parking TLP et sur la ‘'ligne'' quelques F-16A et B sont soumis au regard admiratif des promeneurs.
Surprise, au détour d'un chemin Pierre Léonard, solo n°358 sur Mirage 5 et ancien chefs de corps du 2Wing Tac à entendu les grognements de Bull, un vieux sanglier, ancienne mascotte du Wing à la retraite. Pierre nous raconte qu'il venait souvent voir la mascotte les poches pleines de croquettes pour chien une gâterie dont raffolait Bull. Un bon moment également quand nous retrouvons grande cuillère à la main, le Colonel Avi. Ronald Peelaerts ancien CO de la 40eme escadrille SAR, occupé à touiller dans la paella géante concoctée par la Confrérie des pécheurs de crevettes de Koksijde. En point final, une bonne Chimay au check point clôture cette bien agréable après-midi.







Merci à la MPA et son dynamique secrétaire Luc Mercier pour l'ouverture de la collection photos et des archives; fruit d'une récolte auprès des membres de l'association, suivi d'un minutieux et laborieux travail de ‘nettoyage' ( toujours en cours…).
Merci à Paul Jourez et à Buggy.