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Benoît Denet - Septembre 2015
En cette fin de voyage au Japon, je décide de visiter la base
d'Atsugi située dans la banlieue Sud -Ouest de Tokyo. Cette base,
connue pour ses installations de l'US Navy, est la plus importante dans
le Pacifique et est la station d'accueil du Carrier Air Wing 5. C'est
aussi une infrastructure essentielle de la Japan Maritime Self Defense
Force (JMSDF) depuis 1970.
Avec un accès facile depuis le centre
de la capitale nippone via le métro, j'arrive facilement sur place vers
8h du matin. Comme à l'accoutumée, je suis accueilli par quelques
photographes japonais déjà aux aguets prêts à shooter. De nouveau,
l'endroit est très bien situé et équipé de parkings et de toilettes
publiques au milieu d'un beau petit parc. Une véritable passion semble
animer ces photographes de tous âges. Ils s'affairent dès qu'un
mouvement s'annonce sur leurs scanners. Des mouvements, il y en a dès
8h30 avec l'arrivée de P-3 Orion de la JMSDF alors que d'autres
attendent de pouvoir décoller. Ensuite, c'est au tour d'un avion avec
une étrange silhouette de se préparer à décoller. C'est un Kawasaki
P-1, sorte de petit DC-8 destiné à remplacer les P-3 Orion japonais. Il
y en a une dizaine au parking à côté des P-3 en face des installations
de l'US Navy.
L'US
Navy, parlons-en, car vers 9h, une vague de F-18 E/F et le dernier
modèle G décollent avec la post combustion. Les HH-60 ne sont pas en
reste et patrouillent tout au long de la matinée aux alentours de la
base.
Vers
9h30, une étrange forme se présente en approche de la piste. C'est un
gros hydravion Shin Maywa US-2 qui arrive pour la relève du weekend. Il
approche à une vitesse incroyablement faible avec sa silhouette
semblant appartenir à un autre âge de l'histoire de l'aviation. J'ai de
la chance car il fait un 'touch and go' et revient un peu plus tard
pour un arrêt complet. C'est en réalité un hydravion moderne
entré en service au JMSDF en 2007 et qui a succédé aux Shin Maywa US-1
des années 60'. Il possède des facultés de décollage très court,
environ 280 m sur l'eau et 490 m sur piste avec une charge maximale (47
tonnes de masse maxi au décollage), et ce, grâce à son système de
soufflante d'air sur ses surfaces portantes via ses turbines. Il peut
voler à une vitesse très basse de 90 km/h. Il dispose aussi d'un
intéressant rayon d'action de 4500 km ce qui est parfait pour son rôle
de recherche en mer. Son ingénieux système de déflecteurs de vague sur
sa coque lui permet d'opérer avec des creux de trois mètres. En 2014,
l'Inde a entamé des tractations pour l'achat de 12 US-2.
Dans
la suite de cette belle matinée, c'est au tour d'un E-2 Hawkeye de
réaliser quelques tours de piste suivi par des F-18E dont certains
portent de belles décorations hautes en couleurs comme l'US Navy sait
le faire. Des P-3 Orion japonais arrivent aussi ainsi qu'un Boeing 737
de l'US Navy.
Je me déplace dans le parc à la rencontre des photographes nippons de plus
en plus nombreux. Au risque de me répéter, ils sont comme d'habitude
très polis et toujours prêts pour une tentative de dialogue. Et ce
n'est pas toujours évident car peu d'entre eux parlent anglais. Ils
sont ravis de me montrer leurs books photos truffés d'images récentes
et anciennes. On se rend bien compte alors de la passion qui les anime.
Certains viennent ici depuis les années 70' et leurs mémoires regorgent
d'anecdotes sur des F-8 Crusadair ou autres F-4 Phantom de cette
période. Nul doute que leurs collections de photos feraient pâlir tous
les passionnés d'avion de l'US Navy…
Pendant le reste de la journée,
les mouvements d'avions ne décélèrent pas avec de nouveaux décollages
de F-18 et autres P-3 et aussi des séances de 'touch and go' de
Kawasaki P-1 et d'un C-2 Greyhound arborant une bien belle décoration.
Les retours des F-18 G Growler portant aussi une décoration chatoyante
sont au programme.
Vers 17h30, tout en regardant de loin les mouvements du Greyhound et d'un
C-130, je décide de quitter la base avec de bien beaux souvenirs et
rencontres plein la tête.
Historique de la base d'Atsugi :
Construite
en 1938 sous le nom de Base Navale Empereur Hirohito, elle accueillait
le 302 Naval Group équipé de Zéro et de Gekko. Pendant la défense de
Tokyo, c'est une unité de chasseur de nuit qui y était basée. Toute une
série de galeries souterraines ont été construites et sont encore pour
certaines visibles aujourd'hui. Des pilotes d'élite sous le
commandement du Capitaine Kozono depuis Atsugi décidèrent de défendre
le Japon jusqu’à la mort malgré la reddition de l'Empereur. Ils se
retranchèrent durant 7 jours dans la base après l'arrêt des hostilités
pour finalement rendre les armes. Ils décollèrent avec les 33 derniers
appareils pour une autre base et y être désarmés.
Le Général
MacArthur se posa à Atsugi le 30 août 1945 dans son C-54 pour
officiellement accepter la reddition du Japon à bord du cuirassé USS
Missouri. En même temps, quelques 4200 soldats furent déplacés depuis
Okinawa jusqu'à cette base des banlieues nippones.
Pendant les
cinq années suivantes, la base servit comme entrepôt de l'armée. Ce
n'est qu'en 1950, Guerre de Corée oblige, que cette base fut
sélectionnée pour l'US Navy comme installation majeure dans le 'Far
East'. En 1951, les infrastructures de la base s'agrandirent et le
quartier général de la Sixième Flotte y fut transféré depuis Tokyo.
Pendant
les années 60, il n'est pas rare d'avoir 250 appareils basés à Atsugi
avec de perpétuels développements des infrastructures pendant la Guerre
du Vietnam.
A cette même époque, la JMSDF y installa des avions
PV-2 et P2B-7 Neptune pour des capacités de recherches
anti-sous-marine, ainsi que des hélicoptères Bell 47 et S-51. En 1972,
un accord fut passé entre les deux nations pour une exploitation
commune de cette désormais grosse base.
Aujourd'hui, 10.000
personnes, incluant des civils, du personnel de la JMSDF et bien sûr de
l'US Navy, y travaillent. L'importance stratégique de la base ne cesse
d'augmenter avec des installations de maintenance et de logistique dans
le but d'assurer la stabilité dans le Pacifique Ouest.