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Axalp 2010
Benoît DENET
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C'est avec grand plaisir que je suis revenu cette année à Axalp invité par les Forces Armées Suisse. Axalp est en réalité un petit
village installé à flanc de montagne à une altitude de 1538 mètres, proche de la commune de Brienz dans le canton de Berne.
L'exercice se déroule sur le champ de tir situé au sud du village et qui porte le nom d'Ebenfluh à une altitude de 2240 m.
Bref historique du champ de tir :
C'est en 1942 que le site d'Axalp a été choisi pour l'entraînement et la formation ; vu la situation en Europe, il devenait urgent de former
correctement les pilotes suisses aux techniques d'attaques au sol. Le site est parfait, situé proche de la base de Meiringen, il offre avec
sa vallée encaissée et ses flancs de montagne, un lieu idéal pour y disposer les divers cibles.
Pendant les années 50, on y aménage un
poste d'observation et les exercices de tir (roquettes, canon) et largage de bombes s'y déroulent régulièrement. Du biplan C-35 aux
F/A-18C Hornet en passant par les Hawker Hunter et autres Dassault Mirage III RS, toute l'aviation militaire suisse est passée par le site
de tir d'Ebenfluh. Je me rappelle très bien les passes de reconnaissances des Mirages III RS, cela devait être en 2000, trois ans
avant leurs retraits; le but de cet exercice était de photographier le leader depuis le second Mirage avec le poste d'observation en arrière
plan le tout à 800km/h et à 30 mètres d'altitude en suivant le relief plus qu'escarpé…
En 2006 pour la première fois des Dassault Mirage F1CR français venus de Reims participent aux séances de tir au canon.
Au fil des années et le retrait des divers avions de chasse (Hunter, Mirage IIIRS,..) les passes de tir à la roquette ou le largage de bombe
ou de napalm ont disparus, de même que la session d'exercice prévue au printemps. Il ne reste aujourd'hui qu'une période au début du mois
d'octobre et seul les F/A-18C et F-5 effectuent encore des passes de tir au canon sur les diverses cibles.
Depuis l'origine du site de tir, six accidents mortels sont à déplorer; dont un par une collision entre deux Venom DH-112. Il est à signaler que les
deux avions qui effectuent des passes de tirs sont parfois fort proche l'un de l'autre lors de la manœuvre d'évasion après le tir sur les
cibles.
L'ascension vers la zone d'exercice :
Etant cette année invité avec la presse par les Forces Armées suisses, la montée vers le lieu d'exercice était prévue en hélicoptère Super Puma depuis
la base tout proche de Meiringen. Je laissais donc des amis effectuer la montée à pied. Arrivé à Meiringen ce sont des centaines de
personnes qui attendent sous un plafond assez chargé. En effet, en plus de la presse, les hauts responsables locaux et militaires ainsi que des
invités sont conviés aux vols en hélicoptère vers Ebenfluh. Au bout d'une heure ne voyant pas s'en aller les nuages bas, je commence à
m'inquiéter; en effet depuis un dizaine d'année que je participe à cet exercice, la montée en hélicoptère a du être annulée au moins trois
fois pour cause de météo dans la vallée.
Il est 11h30, je prends contact par GSM avec mes amis qui sont déjà là haut et la météo y est s
uperbe…Je reste confiant. Je profite pour l'heure qu'il me reste avant mon vol pour rencontrer le Capitaine
Ralph « Deasy » Knittel, le pilote de démonstration 2010 sur F/A-18 pour l'armée suisse et m'entretenir avec lui de son travail et
surtout de l'exercice d'Axalp duquel il est familier.
Il est 12h15, nous nous dirigeons vers les Super Puma et soudain, c'est l'effervescence, tout le monde s'agite, la décision tombe, les vols
sont annulés ! Quelle déception, une fois de plus. Après avoir pris mes renseignements, on m'explique la raison de l'annulation, en fait ce
n'est pas le vol aller qui pose problème mais bien le vol retour vers 16h30. En effet, ils n'ont pas la certitude de pouvoir envoyer les
Super Puma vers Ebenfluh au cas où la brume devait monter et atteindre le lieu de tir, ce qui empêcherait le retour des VIP et de la presse
vers Meiringen.
J'insiste néanmoins mais c'est un refus. Si j'avais su cela j'aurais effectué la montée à pied…
Quelques minutes plus tard, les quatre premiers F/A-18 décollent juste devant mes yeux, ils partent pour les premières passes de tir.
Résigné,
je décide d'utiliser le deuxième jour pour effectuer la montée à pied via le village d'Axalp. Cette année, pour la première fois, la route
vers le village est fermée et le public doit y monter en bus au départ de Brienz moyennant 40 francs suisse ( 30 euros tout de même…), tout
cela a bien changé depuis mes premières montées d'il y a 10 ans. Les premiers bus quittent la vallée à 5h du matin, nous décidons donc de
nous lever tôt ; certains avions effectuent déjà des passes de tir dès 9h du matin, ce qui est très intéressant pour les photos avec la
position du soleil.
Après 20 minutes en bus, nous voici au village d'Axalp ; dans la nuit froide, nous commençons la montée assez
facile au début pour atteindre le télésiège un kilomètre plus loin. Bonne nouvelle le prix du télésiège est
compris dans le ticket de bus. A cette heure bien matinale il n'y a pas encore trop de
monde et nous effectuons le trajet assis dans la nacelle, dans le brouillard. Soudain, c'est l'éclaircie et à la vue du ciel bleu noir
rempli d'étoiles, je commence à être rassuré ; ce ne serait pas la première fois que l'on annule pour cause de brouillard en haut, cette
fois !
Il ne nous reste plus que deux heures de montée à pied, avec l'aide d'une lampe de poche. Il nous faudra prês d'1h30 pour atteindre
le poste n°1, avec les 500 derniers mètres assez difficiles et fort pentus en plus d'être glissants, heureusement aux endroits difficiles
des escaliers ont été aménagés (ça aussi c‘est nouveau). Mais quel spectacle, le lever du soleil, la haut, au-dessus de la vallée encore
dans la brume épaisse entourée par les Alpes; une halte s'impose pour se ravitailler et puis surtout admirer la vue.
Enfin le poste n°2
encore plus haut puis enfin l'arrivée au centre de contrôle au poste n°3, la meilleure place pour les photos le matin; il est 8h15 ce n'est
pas si mal après une nuit aussi courte. Le spectacle peut commencer...
L'exercice 2010:
Il est maintenant 9h et les premiers rugissements se font entendre, ce sont les premiers Northrop
F-5E Tiger qui arrivent sur le site;
après une manœuvre de montée, c'est un renversement suivi d'un demi tonneau et puis la passe d'attaque vers les premières cibles. Les passages
s'enchaînent très vite avec des dégagements tout aussi spectaculaires le long des parois.
Retrouvons le Capitaine Ralph Knittel « Deasy » notre pilote de F/A-18 pour une explication de
cette attaque sur cible:
l'exercice d'Axalp reste la seule possibilité pour nous concernant l'attaque air-sol avec les tirs au canon en
montagne afin de maintenir le niveau de compétence et de connaissance. Il y a
trois cibles avec les différentes approches de A à F , nous tirons sur les trois cibles , chaque cibles deux fois; c'est-à-dire que si je
commence par une attaque de la cible 1 direction Est je fais un dégagement direction Sud en me cachant derrière les montagnes et
je reviens à nouveau du Sud pour une courte période d'attaque sur la cible 2 en restant le
moins visible du sol. C'est se cacher,
lever le nez pour faire l'attaque et se cacher ensuite après la passe. La vitesse au moment du tir est de 450 nœuds (830 km/h) mais il faut bien
respecter la vitesse en phase d'approche en fonction de l'angle d'attaque différent sur les 3 cibles. Au point de vue des G encaissés,
si j'effectue une approche et tire à la fin 90° hors de l'axe de tir, cela donne de 5 à 7 G pendant de 3 à 5 secondes puis je maintiens
l'assiette stable pour la visée, ensuite pour le dégagement le plus rapide possible, c'est à nouveau de 5 à 7 G.
Arrivent ensuite deux paires de F/A-18 avec un
largage très spectaculaire de flares lors du premier passage
bas au dessus du site d'exercice. Puis c'est la phase de tir au canon de 20 mm sur les trois cibles avec des manœuvres
d'approche et de dégagement encore plus spectaculaires. Voir évoluer ainsi ces machines à plus de 800 km/h proche du relief escarpé des
Alpes, tirer à balles réelles sur des cibles proches du public, quel spectacle unique.
Vers 14h tout le public est arrivé au divers poste d'observation, certains courageux se sont même installé en face sur le flanc de la montagne sur
lequel certaines cibles sont installées, cela représente au moins 5h de marche. Au total sur les deux jours de l'exercice d'Axalp 2010, 11000
personnes se seront déplacés (7000 le premier jour et 4000 le second), c'est un grand succès depuis quelques années et la médiatisation de cet
évènement.
L'exercice du matin se reproduit avec 8 Northrop F-5E et des F/A-18, le seul petit bémol est la
lumière qui est maintenant de face pour une
partie des approches vers les cibles.
C'est ensuite la démonstration spectaculaire du Pilatus PC-21 tout neuf dans les Forces Armées suisse. C'est véritablement un petit chasseur, les
montées à la verticales sont impressionnantes de même que les virages serrés.
La suite de programmes se poursuit avec la démonstration du Super Puma, celui-ci remonte la vallée à très basse altitude
avant d'effectuer un reversement avec largage de flares dans le ciel bleu des Alpes. Ensuite toute les
figures s'enchainent, du passage bas rapide au 360 ° face au public, en passant par le salut et le vol stationnaire. On notera aussi
à propos d'hélicoptères, le passage la veille d'une formation de huit Alouette III qui seront retirées du service d'ici peu en Suisse,
(passage annulé pour cause de brouillard le second jour).
Enfin c'est l'arrivée du F/A-18 piloté par « Deasy » pour sa démonstration Axalp 2010, voici ce qu'il me disait à ce propos:
J'ai 700
heures environ sur Hornet et je suis aussi instructeur sur cette machine, j'effectue depuis cette année la démonstration du F/A-18 pour
la Suisse et c'est pour moi une première à Axalp. Je suis normalement basé à Payerne à l'Escadrille 17 et non ici à Meiringen.
Le programme que je fais ici est différent des autres représentations à l'étranger ou en Suisse. En général j'ai un programme « beau
temps » qui dure 12 minutes avec 15 à 17 figures et j'ai un programme «mauvais temps » qui dure 8 minutes et est une présentation basse
altitude à cause des nuages. Maintenant ici à Axalp, à cause de la proximité des montagnes et de l'altitude à laquelle se fait la démonstration,
je dois adapter les
figures aux performances qui divergent en altitude et surtout aux obstacles.
En effet, le Capitaine Knittel fait évoluer le Hornet de manière audacieuse dans la vallée puis face au flanc de montagne. Toutes les possibilités
du F/A-18 sont montrées au public, du passage rapide à la limite de la vitesse du son au tonneau barriqué train sorti, passage cabré lent,
manœuvrabilité à l'extrême dans les plan verticaux et horizontaux. Enfin tout y passe et cela avec le relief parfois très proche; une fois
de plus la magie du lieu opère et le spectateur reste médusé par le spectacle.
Par habitude la conclusion du show revient à la patrouille
suisse, les six Northrop F-5 E blanc et rouge
nous gratifient du programme complet en jouant avec le relief et la vallée en contrebas vers la ville de Brienz. C'est encore une fois du grand
art, voir évoluer ces avions de chasse, en formation à six, aussi près du relief escarpé là haut à plus de 2000 mètres d'altitude, au dessus
de la vallée encore dans le brouillard est un spectacle vraiment unique au monde.
Finalement la Suisse n'est pas si loin de la Belgique et même si l'organisation cette année n'a pas toujours été à la hauteur (un peu chaotique et
couteuse par l'utilisation obligatoire des bus pour atteindre Axalp), le déplacement est plus que recommandé pour tout les amoureux de
spectacle aérien.
Pour infos l'année prochaine l'exercice est prévu les 12 et 13 octobre 2011.