|
Vous êtes ici : Reportages - 2018 - Flying Legends
|
Benoît Denet - Septembre 2018
Comme d'habitude depuis de nombreuses années maintenant, le
deuxième weekend du mois de juillet a vu le rassemblement de la
communauté des warbirds
européens. Mis à part quelques annulations, tout le monde était de la
partie sous un soleil chaud et généreux.
L'un des thèmes principaux de cette année était le 50e
anniversaire du tournage du film "La Bataille d'Angleterre" dont les
scènes mythiques furent tournées dans
les installations de Duxford. Tout passionné d'aviation est tombé en
admiration devant ces combats aériens figés sur la pellicule de la
Metro-Goldwyn-Mayer (MGM). Ces combats entre Spitfire, Hurricane et
Me-109 (Buchon) et autre Heinkel 111 (Casa 2.111) étaient pour la
grande majorité tournés avec des véritables machines et ce, sans effets
spéciaux comme c'est la norme actuellement.
Revenons à travers diverses anecdotes sur ce film qui marqua l'histoire
des films aériens "grand public". Pour commencer, rappelons que
la scène de
bombardement d'un aérodrome anglais par les Heinkel 111 de la Luftwaffe
a été tournée à Duxford où divers aménagements des hangars avaient été
réalisés. Un ancien pilote de la RAF du nom de Mahaddie créa une
société de consultance aéronautique pour les tournages de films. Il
était en charge de trouver les avions futurs protagonistes de ce show
filmé. Voici ce qu'il disait en 1988 à ce propos: "
Lorsque
je me suis
renseigné pour trouver des Spitfire, je n'en connaissais qu'un seul en
état de vol. Ce n'était pas gagné! Après une recherche durant une
dizaine de jours, je pus comptabiliser une centaine de Spit à travers
le monde, bien sûr beaucoup n'étaient pas opérationnels... C'était le
début d'un long travail pour moi qui dura un peu plus que trois ans.
J'ai contacté le Ministère de la Défense (MoD) qui pouvait me fournir
19 Spitfire et trois Hurricane dans divers états de conservation".
Après s'être tourné vers les collections privées, c'est un total de 34
Spitfire qui étaient rassemblés avec un mixte d'avions en état de vol
et d'autres pour les prises de vue au sol. Un accord était passé avec
le MoD pour faire ressembler les Spit "statiques " aux versions V et
IX. Quand cela était possible, les hélices quadripales étaient
remplacées par des tripales. Pour les trois appareils équipés de
moteurs Griffon (Mk XIV et XIX) qui étaient fort différents des
premières versions, il fut décidé de les positionner à l'arrière des
formations en vol pour les tournages aériens. Pour les Hurricane,
c'était plus compliqué, bien qu'il y en ait eu beaucoup plus pendant la
Bataille d'Angleterre, ceux-ci étaient plus difficiles à trouver. Au
total, il n'y avait que trois Hurri en état de vol, dont un acheminé
depuis le Canada. Mahaddie avait son lot d'appareils pour la RAF. Il
lui restait à dénicher ceux de la Luftwaffe. Le MoD et d'autres
sources fournirent certains des appareils pour les vues au sol. Par
bonheur, la Force Aérienne espagnole retira du service en 1965 ses
HA-1112 Buchon (un Bf109 équipé d'un moteur Merlin). Mahaddie put
mettre en œuvre un total de vingt-quatre Buchon provenant d'Espagne et
d'autres de la Confederate Air Force. Dix-huit purent être remis en
état de vol et six pouvaient rouler. Ces derniers étaient équipés d'une
hélice tripale pour une meilleure ressemblance. Toutes ces machines
reçurent bien entendu le camouflage de la Luftwaffe en 1940. Pour les
Heinkel 111, un accord avec la Force Aérienne espagnole fut passé pour
l'utilisation d'une flotte de 32 CASA 2.111, cette version du Heinkel
équipé de moteurs Rolls Royce Merlin, encore en service à cette époque
(les derniers exemplaires quittèrent la flotte en 1973!). L'utilisation
de la base de Tablata fut arrangée avec la FAé espagnole. Un convoi
volant rassemblant un Spit, Hurricane, 17 Buchon et deux CASA 2.111
accompagnés du B-25J (avion de prises de vues aériennes), quitta
Duxford pour l'Espagne.
Duxford était, avec Hawkinge et North Weald, les trois terrains
mis à la disposition de la production du film par le MoD. L'avantage de
Duxford était qu'il avait très peu changé
l'agencement de ses bâtiments depuis le Seconde Guerre Mondiale et
pouvait donc servir intensivement pour les tournages au sol. Il fut
également choisi pour tourner la scène des Hurricane en France. On y
assembla un "faux" château français pour l'arrière-plan des Hurricane.
La météo lors du tournage en 1968 n'était pas toujours adaptée à l'été
ensoleillé de 1940 et compliqua quelque peu le film. Néanmoins, de
larges formations d'appareils de la RAF et de la Luftwaffe décollèrent
de Duxford pour le Sud-Est de l'Angleterre pour des tournages en vol
d'une heure dans des couloirs aériens qui leur étaient réservés. Le
niveau opérationnel de la flotte était très bon. Mahaddie avait prévu
la perte d'un avion par semaine et à la fin du film, pas un seul
appareil n'avait quitté le tournage. Les lettrages sur les appareils
étaient régulièrement changés avec du tape 3M pour différentes scènes
de tournage.
Tout était dans la boite pour la fin du mois de septembre et la flotte
aérienne fut peu à peu dispersée. Les avions appartenant au MoD et aux
propriétaires retournèrent à leurs occupations, les autres furent mis
en vente.
Revenons à l'airshow de ce weekend des 15 et 16 juillet 2018. Le programme proposé y était imposant comme chaque année.
On
notera le retour à Duxford du P-47 Thunderbold (l'ancien 'No Guts No
glory') ayant appartenu à la Fighter Collection jusqu'en 2006. Il est à
ce jour le seul Thunderbold en état de vol en Europe et revola sur le
vieux continent ce 4 mai aux mains Pete Kynsey. Ce P-47 est sorti des
chaines de montage dans l'Indiana en 1945 (code 45-49192) pour être
remis à l'USAAF. Peu de détails existent sur sa vie au sein de l'USAAF.
Il passe ensuite dans le dépôt de ce qui est actuellement la base de
Tinker dans l'Oklahoma. Après la signature du Rio Pact par 21 nations
américaines, le gouvernement américain fournit des avions en surplus à
des pays amis. C'est dans ce cadre que ce P-47 reprends l'air en 1952
et est vendu à la Force Aérienne péruvienne, accompagné de 24 autres
exemplaires en 1953. Il prends le code FAP 119 et est basé dans
les installations de Piura. Le Pérou retire ses vénérables Thund en
1966. L'avion est alors racheté par un collectionneur avec 5 autres
P-47, puis passe de mains en mains avant d'atterrir à The Fighter
Collection (TFC) en 1984. Après une restauration complète à Chino en
Californie, il arrive à Duxford en 1986 pour y être basé jusqu'en 2006.
Date à laquelle il est vendu aux USA à Tom Duffy. C'est actuellement la
société Fighter Aviation Engineering qui le possède.
Une autre
bonne surprise est la présence du Vought F4/U-5NL Corsair arborant les couleurs de son Sqn lors de la Guerre de
Corée
à laquelle il participe
durant six mois. Ce Corsair a repris l'air le 9 mai dernier aux mains
de Baptiste Salis. Il appartient à la collection Casques de Cuir de la
famille Salis. Il débute sa carrière dans l'US NAVY en 1951, pour le
compte du VC-3 "Blue Nemesis". Il passe ensuite aux mains de la Force
Aérienne hondurienne. Il n'est pas impossible que ce chasseur participe
pour le compte du Honduras aux derniers combats du Corsair, c'était
face aux forces du Salvador en 1969 ; ils étaient opposés à de P-51
Mustang et à des Corsair (ça ne s'invente pas!). A l'arrêt des
opérations sur ce fabuleux chasseur, la Faé hondurienne vend en 1970,
huit de ses derniers Corsair en état de vol à différents
collectionneurs. Il arrive en France en 1986, après plusieurs années
passées sur le parking de l'aéroport de Long Beach. Il vole jusqu'en
2002, avant une restauration qui ne débute qu'en 2008 pour dix longues
années.
Le show de cette édition 2018 débute comme d'habitude par le ballet de
Spitfire. Parmi ceux-ci, nous pouvions voir le PR XI PL983 tout juste
sorti d'une très longue restauration après son crash fatal de 2001 à
Rouen.
Les Corsair et le Bearcat étaient bien présents pour nous rappeler les
appareils de l'aéronavale. Le duo de F-4 a partagé le ciel avec le
monomoteur ultra-puissant de Grumman. Pendant ce temps, les Curtis
décollent mais sans le Hawk 75 qui retourne au parking suite à un souci
technique.
C'est ensuite aux puissants Sea Fury de nous montrer leur
manœuvrabilité à travers un vol où les montées à la verticale et les
boucles s'enchainent à la perfection. Ce
duo était composé du maintenant célèbre Hawker Fury ISS 315 et du tout
récemment sorti des ateliers de TFC, le Sea Fury T20 WG655. Ce dernier
a trainé durant de longues années dans un des hangars à cause de soucis
avec son moteur Santaurus. Il revole depuis février dernier, mais cette
fois-ci équipé d'un moteur Pratt & Whitney R 2800, bien plus fiable.
Il est maintenant grand temps d'évoquer le Bataille d'Angleterre avec
la patrouille composée de trois Hurricane accompagnant deux Spitfire
MKI et le Blenheim MKI.
Le
show se
poursuit avec le 50e anniversaire du tournage du film la Bataille
d'Angleterre, longuement évoqué plus haut dans cet article. Des
Spitfire se mettent en chasse de quatre Buchon dans le ciel qui les a
vus évoluer pour le compte de la MGM, 50 ans auparavant. Parmi ces
Buchon, l'un d'eux est le C.4K-112 'Red 11', l'unique exemplaire
biplace volant à ce jour. Il participa intensivement aux scènes de
tournage en vol et à des vols promotionnels avec Adolf Galant aux
commandes et le Cdr Bob Stanford assis sur le siège arrière; les
ennemis d'hier étaient depuis devenus des amis. Après le tournage, ce
Buchon avec d'autres furent transportés dans un ranch au Texas pour y
être entreposés pendant 47 années. Un autre Buchon, le C.4K-105 ' White
9' ne revola que ce 28 juin aux mains de Richard Grace, tout juste
avant le show Flying Legends 2018. On notera encore que le 'Red 11' est
en vente au prix de 5 millions de $ alors que le 'Yellow 7' cherche
acquéreur pour la somme de 2,5 millions de $.
Un bond dans l’histoire avec l'USAF Heritage Flight composé d'un F-35
(venu de Luke AFB, Arizona, USA), d'un P-51 piloté par Tom Friedkin et
d'un
Supermarine Spitfire MK V aux mains de Steve Hinton. Le F-35 gratifie
le public de beaux passages démontrant la puissance de son réacteur.
On remarquera que ce Spit était ‘revenu aux affaires’ quelques jours
avant le show de Duxford. Il fait son premier vol le six juillet 2018,
après
un petit accident survenu lors d'un décollage depuis Marana en Arizona
en juillet 2017.
La journée continue avec la toujours très belle démonstration du C-53
Dakota venu de Norvège accompagné par le Wildcat de TFC. C’est ensuite
au team de Flying Bulls de rentrer en scène avec
cette année les B-25, P-38 et F-4U Corsair qui entourent le très
élégant Douglas DC-6. Ce dernier ravit le public par son vol tantôt
doux, tantôt tout en puissance et rempli de maniabilité. Il faut dire
qu'avec près de 10.000 chevaux cumulés de puissance de ses quatre
moteurs P&W R2800, cet avion de transport des années 50 peut
voler à 550 km/h sur une distance de 8.340 km. Merci aux ingénieurs de
Douglas de nous avoir fabriqué, après le DC-3, cette excellente machine
volante !
Le show se termine comme toujours par la célèbre 'Balbo' formation.
Toujours spectaculaire, ce groupe aérien rassemblant la majorité des
participants met un terme à ce weekend extraordinaire au
pays des warbirds européens.