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Benoît Denet - Septembre 2017
Cela fait maintenant quelques années que je me déplace dans le comté de Cambridge et je suis à chaque fois surpris par ce show aérien. En effet, malgré une certaine ressemblance d'années en années,
une fois encore cette édition m'a étonné, de par son programme riche mais surtout par les avions invités.
Bien entendu, il y a eu des déceptions dans le programme, je pense notamment au BF109E-7 qui devait y faire des débuts très attendus. Egalement manquants à l'appel, le Sea
Fury FB-11 français et le Sea Fury T.20 du TFC qui n'est toujours pas en état de vol. Une petite remarque au passage: du côté des Sea Fury en Europe, avec le retour en état de vol du T.20 du Royal Navy Historical
Flight, nous pourrions bientôt avoir sept machines de ce type en vol…
La
dernière déconvenue pour les spectateurs comme moi venus seulement le dimanche, fut la non participation du P-51 B " Berlin Express" au show aérien. En effet, lors de sa présentation du samedi, il a perdu son
canopy. Le Mustang avait fait le déplacement en vol comme le faisaient les pilotes de convoyage durant la Seconde Guerre Mondiale. Le périple, de 10 130 km depuis le Texas, s'est fait en sept étapes en passant
entre autres par le Kentucky, le Canada, l'Islande et l'Ecosse avant d'arriver à Duxford. Le Mustang (43-24837) a été restauré à l'identique du célèbre P-51B (43-24823) qui fut engagé au printemps 1944 avec le Lt
Bill Overstreet aux commandes, dans un combat épique avec un Bf-109G qui le fit passer en-dessous des arches de la Tour Eiffel à la poursuite de son opposant qu'il abattit.
Revenons au show aérien proprement dit.
Celui-ci, pour le dimanche uniquement, débute plus tôt que prévu par les Red Arrows.
Et oui, c'était une première pour le show de Flying Legends, normalement réservé aux "props" et non aux "jets"… De plus avec les nouvelles mesures de sécurité, la présentation a lieu sur un axe inhabituel et
loin du public. Pour couronner le tout, un ULM rentre dans la zone et bloque la démonstration pendant de longues minutes.
La suite du programme est habituelle avec pour débuter, à tout seigneur tout honneur, l'avion dessiné par Réginald Mitchell, il s'agit bien sûr du Spitfire.
La formation des appareils de Vickers-Supermarine est très variée avec des versions MK V, MK IX, MK XIV et MK XVIII ou encore TR.9 et Seafire. C'était, sans nul doute, l'un des instants de l'après-midi
à ne pas manquer. Tous les amateurs d'avions restent sans voix à la vue de ces neuf Spit et de leurs évolutions.
Le Corsair, Sea Fury et Bearcat s'élancent entre deux passages de Spit pour aller se mettre en formation pour leurs évolutions. Les ronronnements de ces trois bêtes de courses, représentant les avions de
l'aéronavale, conquièrent les derniers septiques de cet airshow du mois de juillet. Les montées tout en puissance suivies de beaux passages à l'anglaise étaient au programme.
Ensuite, la société Curtiss est mise à l'honneur avec le Hawk 75 et les P40 en version F et C. Ces appareils de début du conflit sont la marque de fabrique de la société de Buffalo dans l'état de New York. Rappelons
ici que cette société fut fondée en 1929 après la fusion de 12 entités distinctes et s'était spécialisée dans les cellules, les hélices et les moteurs. On notera ces quelques chiffres: elle produisit 13 738 P-40,
son chasseur phare, mais aussi quelques 142 000 moteurs et 146 400 hélices pendant la Seconde Guerre Mondiale.
L'unique B-17 "Forteresse Volante" en étant de vol sur le "vieux Continent", partage le ciel avec son escorte constituée de trois
P-51 D Mustang. Ces passages, en dépit d'un ciel gris, ont mis en valeur les énormes sacrifices de la 8 ème Air Force en Europe. On peut rappeler ici la perte de 4 175 bombardiers lourds (B-17 et B-24) ainsi qu'un
total de plus de 26.000 tués durant les trois années de combats de la célèbre unité.
Le spectacle suivant met à l'honneur l'opposition de la Luftwaffe et de la RAF en Afrique du Nord avec des présentations du Jungmann et du Buchon poursuivi par deux Spitfire MK I.
Les appareils civils sont aussi de la partie avec le C-47A en formation avec deux Beech 18 venus de Suisse. Les passages lents nous ont permis d'apprécier la dextérité des pilotes.
Le tableau suivant évoque de bien belle manière la Bataille d'Angleterre avec cinq Hawker Hurricane leaders d'une formation comprenant le Blenheim I et trois Spit MKI.
Assurément, il n'y a qu'ici que l'on voit ça.
Juste manquant dans le ciel, le Gladiator et le BF109 E.
Le public encore empreint d'émotion peut ensuite voir débouler trois P-51 D semblant coller l'un à l'autre. Une nouvelle fois, la patrouille unique de trois Mustang, nommée "The Horsemen" était de la partie cette
année. La formation est dirigée de main de maître par Steve Hinton avec Ed Shipley et Dan Friedkin comme ailiers. Les passages bas en formation très serrée ont ravivé de bien beaux souvenirs de Ray Hanna avec sa
formation de quatre warbirds.
Les démonstrations suivantes étaient très attendues par l'assemblée.
Une page des courses aériennes est mise en avant avec le De Havilland Comet DH88 et ses superbes lignes semblant sorties d'une BD d'Edgar P.Jacobs. Il est accompagné du Mew Gull, d'un Travel Air Type I et d'un
agressif Le Vier Cosmic Wind concourant dans la Formula One-Class air race. Ce dernier appareil a été développé par le célèbre pilote Tony Le Vier avec, à ses côtés, une équipe d'ingénieurs et employés de Lockheed.
L'exemplaire présenté fut le troisième construit en 1948. Cet avion a concouru lors des National Air Races de 1947 à 1949.
Le show se poursuit par la toujours très dynamique présentation du C-47 (un C-53 en réalité) venu de Norvège. Ce roi du ciel a toujours une place importante lors de ce show européen de warbirds.
La dernière scène est revenue sur la Royal Navy avec un duo composé d'un Catalina de Plane Sailing et du FM-2 Wildcat de The Fighter Collection. La lourdeur du Cat était bien contrebalancée par les passages à
l'anglaise et les loopings du petit chasseur embarqué de la société Grumman.
17h approchant, il est temps de lancer les décollages pour la fameuse et célèbre «Balbo Formation» qui clôture chaque édition de cet show hors du commun.
La vue est grandiose !
Imaginez une vingtaine de warbirds au taxi devant le public. Les Spitfire et P-51 étaient secondés par un Corsair, Buchon, Bearcat, P-40,… pour ne citer qu'eux.
Au moment du départ, le ronronnement de tout ce petit monde s'est fait entendre pour le plus grand plaisir des jeunes et moins jeunes. Cerise sur le gâteau, lors de la mise en place de la grande formation, nous
avons eu droit aux passages à répétition du Hawker Sea Fury dans un premier temps, puis d'un Spitfire MK I pour prendre le relais. J'ai pu voir deux jeunes afficionados français ne plus se tenir. C'était en
effet une belle surprise, car d'habitude c'est à un appareil unique de "The Fighter Collection" qu’incombe ce rôle.
Après plusieurs passages en formation, la vingtaine d'appareils se sépare en divers groupes. C'est à cet instant que je vois le P-51D Miss Velma vent arrière très, trop, bas et proche du terrain. Quel fait-il là tout
seul? J'ai vite compris qu'il y avait un souci. Le pilote tente de revenir vers le terrain mais au-dessus de l'autoroute toute proche de l'entrée de piste, le Mustang est clairement trop bas et ne semble plus
avoir de puissance. Le virage entamé vers le public, en un quart de seconde j'ai pensé que cela pouvait très mal finir. C'est à cet instant précis que le pilote opte pour une manœuvre de dernière chance et lançe
son TF-51D en perte de vitesse dans un virage à droite pour aller se poser sur le ventre dans un champ de blé à une centaine de mètres de l'autoroute. La vue de l'acte final est hors de vue du public et il
faut quelques minutes intenses pour avoir la confirmation que le pilote est bien sain et sauf. Mais on ne reverra pas si tôt le beau Mustang en vol… On ne le sait que trop bien, ces avions d'un autre âge, équipés de
moteurs parfois délicats à régler, restent très sensibles à faire fonctionner. N'oublions jamais que ces machines, en moyenne, volent moins de trente heures par an ce qui est très peu pour déceler des
anomalies. L'élément qui a causé la perte de puissance n'a pas été rendu public.
Les nouveautés 2017:
Evoquant ici les nouveautés, je veux bien entendu parler des appareils récemment sortis de l'ombre ou présentés pour la première fois lors des Flying Legends. Je ne reviendrai plus sur le BF-109 E Wk-Nr 3579 tant attendu.
L'une
des grosses sensations est venue du Hawker Hurricane MK I P3717. Ce "Hurri" est rentré en service à St Athan le 19 mai 1940. Il reçoit le code SW-P et passe de squadron en squadron. Il officie lors de la
Bataille d'Angleterre dès le 29 août 1940. Lors d'un combat avec des Me-110, le pilote polonais Wlodzimierz Samolinski est crédité d'une
victoire sur un Me-110, mais le Hurricane a lui aussi subi quelques dommages. Après un passage par les ateliers de maintenance, l'appareil
passe au 257 Sqn. Il est à nouveau engagé au combat le 18 septembre et puis le 23 du même mois. Lors de ce dernier affrontement, il subit de nouveaux dégâts et passe par les usines de Havilland faisant partie à
cette époque de l'intendance pour les réparations de l'usine Hawker. Un mois plus tard et un passage par le N°22 MLU, il reste stocké jusqu'en janvier 1941 avant de passer par le célèbre 43 ème Sqn et de partir
pour l'Ecosse. Après diverses relativement courtes affectations, il est choisi pour passer au standard Mk II A et on lui monte un moteur Merlin XX. On le désigne dans le premier lot de 40 Hurricane devant partir
pour la Russie. Son service lors de l'hiver 1941-42 est assez méconnu. Ses restes sont récupérés dans la Péninsule de Kola et sont rapatriés en Angleterre par Jim Pearce. Il passe de mains en mains avec divers
projets de restauration avant un premier vol qui s’est fait ce 21 mars 2017 avec Stu Goldspink à ses commandes.
Le
19 juin 2017, quelques jours à peine avant l'airshow, un autre Hurricane reprend l'air également aux mains de Stu Goldspink. Le Mk I, serial number P2902, est ainsi devenu le 15 ème appareil de ce type en
état de vol. Il entre en service à la RAF en avril 1940 dans un rôle de réserve. Il participe à des missions au-dessus du Channel pendant l'Opération Dynamo pour protéger l'évacuation des troupes anglaises de
Dunkerque. Le 31 mai, avec seulement huit heures au compteur, le Hurricane, avec le jeune pilote Kenneth 'Mac' McGlashan aux commandes, part pour intercepter des bombardiers allemands en route vers
Dunkerque. A 19 ans à peine, 'Mac' se retrouve vite opposé à cinq Bf 109. Aveuglé par des projections d'huile et glycol sur le visage, il se rappelle que le Bf 109 n'était pas bon à la sortie d'une plongée raide
et décida de piquer vers le sol. Après une perte de conscience, il se retrouve à haute vitesse très proche du sol. Après un atterrissage forcé sur la plage, il tente d'incendier son appareil en mettant le feu
à ses cartes, mais sans succès. Il abandonne le P2902 à son triste sort et est recueilli par un détachement de troupes anglaises. Le lendemain, il est de retour à la base de Hawkinge. Il poursuit le combat durant la
Bataille d'Angleterre et continue une carrière dans la RAF qui le menera jusqu'au grade de Sqn Leader
Revenons au P2902 qui reste échoué sur la plage à Leffrinckoucke au Nord de Dunkerque. Il est la proie des troupes allemandes en quête de trophées. Il disparait peu à peu en s'enfonçant dans le sable. Ce n'est qu'en 1989 que quelques
membres d'un aéroclub local, après avoir découvert des restes, décident de récupérer l'avion pour une exposition statique. Le fuselage, la section centrale des ailes ainsi que le moteur et l'hélice ont été
exposés au Mémorial du Souvenir de Dunkerque. Le musée fut de nombreuses fois approché par des amateurs de la relique mais sans succès. Jusqu'en 1994 où Craig Charleston conclut un deal pour les
restes du P2902 et du P3311. Apparemment, le posé sur la plage et l'extraction du sable avait bien été effectués car une restauration en état de vol fut entreprise. Après divers changements de propriétaire,
il arrive chez Anglia Aircraft Restauration en mai 2016. Il devrait être basé à Duxford dans le futur.
La
dernière nouveauté nous vient des Etat Unis avec un F-6 K Mustang prénommé 'Frenesi'. Il a traversé spécialement l'Atlantique en container pour divers airshow en Angleterre cet été. C'est un des 1500
P-51K sortis des usines de North American entre 1944-45. Il a été sélectionné dans un lot de 164 machines pour être converti en version F-6K de reconnaissance et équipé à l'arrière du fuselage de deux
caméras K-24. Entré en service au moment où la Seconde Guerre se termine ; après une courte vie militaire, il est déclaré comme surplus de guerre et mis en vente. C'est le vétéran Jack Hardwick qui l'achète
dans le but de le faire concourir aux courses de Cleveland. Le Mustang, numéro de série 44 – 12852 flanqué du numéro 80 et d'une livrée métal, participe aux entrainements et lors d'une poussée trop forte sur le
moteur, le Merlin rend l'âme. Heureusement avec de nombreux terrains disponibles à cette époque non loin de Cleveland, Hardwick ramène l'avion en le posant sur le ventre, endommageant le radiateur et
d'autres parties. Les demandes pour des avions de combat étaient à nouveau importantes et le Mustang, après des réparations, est vendu au propriétaire d'Intercontinental Airways. Celui-ci était surveillé par
le FBI pour des ventes de Mustang et autres Forteresses Volantes à ce qui allait devenir en 1948 l'Etat d'Israël. Le P-51 reste aux USA et c'est Hardwick qui le rachète pour l'équiper en double commande
(TF-51D). Après un passage par la Floride, l'avion est vendu à la République Dominicaine (Fuerza Aérea de Republica Dominicana -FAD) et porta le numéro FAD 1900. Il est à noter qu'il est un des seuls Mustang
acquis par le FAD à ne pas provenir de Suède. L'appareil durant ses trente années d'opérations là-bas est impliqué dans divers incidents avec les troupes cubaines. C'est en 1984 que la FAD retire ses
vénérables Mustang du service. Ils sont vendus, avec des pièces de rechange à Brian O'Farrell à Miami. Après diverses modifications, il passe dans les mains de James Beasley avec l'immatriculation N21023 et
les couleurs du P-51D Frenesi. En 2008, James Beasley junior et Frenesi rejoignent la patrouille The Horsemen. L'appareil n'ayant jamais subi une révision complète depuis toutes ces années d'exploitations
militaires et civiles, passedans les mains expertes de la société de Mike VadeBonCouer. En 2009, Dan Friedkin Comanche Fighters fait l'acquisition du P-51. La restauration est très conséquente avec le
cockpit remis aux standards de 1944 et un gros travail sur le fuselage pour réparer la structure endommagée dans les années 50' par l'ajout des doubles commandes de vol. Dan voulait un Mustang restauré avec
beaucoup de précisions et celui-ci reprend l'air ce 31 janvier 2017.
Une nouvelle vie commence pour ces trois merveilles du ciel.
L'airshow des Flying Legends était à leur programme cette année pour le plus grand plaisir des passionnés et des connaisseurs de warbirds.
Rendez-vous déjà pris pour l'année prochaine !