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HERCULES  FOR EVER….

 SergeNemry  - Août 2013

    

 Les 21 et 22 septembre, le 15ème Wing de Transport Aérien basé à Melsbroek (EBMB) va allumer un paquet de bougies pour fêter les anniversaires programmés en cette année 2013. Avec les 65 ans du Wing (1er Mai 1948), le 40ème anniversaire (+ quelques mois…) dela mise en service du C-130 Hercules (juillet 1972) et enfin les 40 ans de bons et loyaux service des deux Mystère DA-20 Falcon (Mars 1973), cela fait un total de 145 bougies ! On peut y ajouter les 20 prévues dans le cadre du 20ème anniversaire de la présence à Melsbroek de ‘’RAGO’’, le service d’Appui Aérien de la Police Fédérale. Les spectateurs attendus en nombre pour ce week-end auront besoin de tout leur souffle et les pompiers ont intérêt à se tenir prêt à aider pour éteindre ces 165 flammes. Le CH-13, dernier arrivé à Melsbroek, va recevoir une belle décoration ‘’40 ans’’, dans les tons gris basse visibilité, tandis qu’un des deux Falcon sera décoré d’un marquage spécial réalisé sur autocollant.



 Engagé sur plusieurs ‘’fronts’’, le Wing de transport et communication assume avec brio et malgré les contraintes humaines et matérielles l’ensemble de ses tâches. Que ce soit du côté de la 20ème Escadrille (Indien bleu) ou de la 21ème Escadrille (Indien rouge) sans oublier l’Escadrille Opérations et Entrainement (Indien vert), les équipages sont toujours prêts à réagir rapidement à toutes demandes émanant  du gouvernement belge, de la Défense ou de l’EATC (European Air Transport Command). L’EATC est un Etat-major inter-allié qui gère les moyens de transport des pays membres, à savoir la France, les Pays-Bas, l’Allemagne, le Luxembourg et la Belgique. La flotte ainsi rassemblée représente 150 appareils de types divers. Aujourd’hui, pour marquer sa parfaite intégration, la flotte du 15ème Wing arbore l’insigne de l’EATC. Dans cet article je vais essentiellement évoquer la 20ème Escadrille et ses Hercules. Flying-Zone reviendra prochainement sur la 21ème Escadrille et ses avions ‘’blancs’’ dont on parle moins et qui pourtant est tout autant sollicitée pour de nombreuses missions qu’elle exécute avec brio.

Missions de guerre en Afrique.

 

 Le 11 janvier 2013, la France décide de lancer l’opération SERVAL au Mali. Le but poursuivi : libérer le pays des forces rebelles islamistes d’Ansar Dinne et Al qaïda qui sèment la terreur et s’approchent dangereusement de la capitale Bamako. Pour mener à bien cette opération d’envergure lancée à plus de 3.500 km de ses bases, l’Armée française a besoin d’un soutien logistique et fait appel à ses alliés européens et aux Etats-Unis.
     
 La Belgique sera la première à répondre positivement. Par décision gouvernementale, deux C-130 et deux Agusta A-109 médicalisés sont mis à disposition du commandement français. Un C-130 en escale à N’Djamena au Tchad est directement réorienté vers le Mali, tandis qu’au départ de Melsbroek un autre Hercules prend la direction de Solenzara pour y charger du matériel puis rejoint Abidjan (Côte d’Ivoire). L’Aéroport d’Abidjan dispose d’une importante infrastructure aéroportuaire militaire et civile dont une partie mise en œuvre par les troupes françaises, pour entre-autres subvenir aux besoins du 43ème Bataillon d’Infanterie de Marine (43 BIMA) installé à Port-Bouët dans le sud-est de la capitale économique ivoirienne. Les opérations des avions belges sont placées sous commandement français via le JFACC AFCO (Joint Forces Air Component Command pour l’Afrique Centrale et de l’Ouest) mis en place à N’Djamena d’où opéraient également les Mirage 2000D de l’Armée de l’Air. Le 17 janvier la première mission d’un Hercules belge est enregistrée, un C-130 a décollé d’Abidjan et atterrit à Bamako (Capitale du Mali) avec du matériel militaire. Le Colonel Aviateur Bernard Masuy nous fait remarquer la rapidité avec laquelle le dispositif a été mis en place et rendu opérationnel ; moins de 48 heures après la décision du gouvernement. Un dispositif qui comportait,  outre les 2 équipages C-130 (2X 5 membres),  la mise en place des techniciens, équipes de support, officiers de renseignements et des membres du peloton RaVair  soit un total de 35 personnes. Les français nous ont dit avoir été agréablement surpris par notre prompte réaction et cela nous a également  valu les félicitations des autorités. Le Major Quentin ‘’Q’’ Aelvoet, Commandant de la 20ème Escadrille et Commandant du troisième détachement C-130 à Abidjan (01 mars au 31 mars) précise que les conditions de travail pour le personnel était très contraignantes. Les journées atteignent souvent les 16 heures de prestations par des températures qui approchent les 40°à l’ombre et une forte humidité, ce qui génère un facteur de fatigue supplémentaire. La charge de travail est répartie sur 6 jours de vol pour un jour de repos et il a été nécessaire d’obtenir une dérogation pour dépasser le total des 60 heures de prestation ‘’légales’’ en 6 jours. La chaleur et l’atmosphère étouffante  se faisaient encore plus ressentir pour le personnel technique qui doit travailler à l’air libre (il n’y a pas de hangar pour abriter les avions) et des interventions sont nécessaires après chaque vol, de jour comme de nuit.
   

 Pour les équipages, les missions de nuit sont également courantes mais n’ont pas nécessité l’utilisation des lunettes Night Vision Goggles. Le détachement C-130 a, durant la période passée au Mali, presté des missions tant stratégiques que tactiques. Les premières consistent en des vols depuis Abidjan vers de grandes villes intra- ou extra-frontières, tandis que les secondes rapprochaient  avions et équipages de la ligne de front avec de nombreux atterrissages sur des terrains sommairement aménagés comme Tessalit et Kidal (Nord Mali) et, c’est dans ces dernières conditions que les Hercules ont été utilisés au mieux de leur potentiel. Ces missions de transport de troupes, de munitions, de carburant et de ravitaillements divers, principalement de l’eau, ont nécessité l’emport de moyens d’autoprotection contre les tirs de missiles à guidage infrarouge, au cas où un avion est ‘’allumé’’ par les rebelles. Pour le carburant nécessaire notamment pour l’approvisionnement des hélicoptères de combat de l’ALAT, celui -ci est directement prélevé des réservoirs du C-130 avec des moyens dits de campagne. Les risques liés à ces missions ne sont pas que militaires mais sont également liés à l’environnement de vol. Les ‘’bird strike‘’, collision avec un ou des oiseaux, sont dans cette région un danger permanant. Pour preuve, celui survenu le 8 février lors de l’atterrissage à Tombouctou, au bord du fleuve Niger. Apres avoir heurté un (gros) oiseau, le CH-01 s’est posé avec un trou béant de +/- 30 cm dans le bord d’attaque de l’aile…impossible de repartir comme cela. Une équipe technique à été déléguée sur place et a procédé a une inspection minutieuse des tuyauteries hydrauliques et des câblages électriques omniprésents dans cette partie de l’aile. Une réparation provisoire, appelée ‘’combat repair’’, a été effectuée de manière à pouvoir emmener le soir même l’avion vers Ouagadougou où la remise en état définitive a pu être faite et ce dans un délai très court afin de limiter au maximum l’immobilisation de l’appareil. Un pneu qui éclate, cela arrive également et il faut alors que l’équipage procède lui-même au remplacement. Pour ce faire il dispose à bord de tout le matériel nécessaire et de pneus de rechange. Le CO Aelevoet attire l’attention sur la parfaite collaboration entre les différentes nations qui participent à cette opération. Si un utilisateur de C-130 vient à manquer d’une pièce de rechange ou a un problème de ‘’livraison’’, il y a toujours une autre Force Aérienne prête à l’aider, soit en fournissant l’élément soit en le transportant jusqu’au lieu de réparation. Coté humanitaire, un enfant grièvement blessé à la tête par un engin explosif au sol a été transporté par un Hercules belge de Gao vers l’hôpital de Bamako situé à quelques 1.200 km du point de départ. Après 2 mois1/2, les belges de l’Opération Serval ont presté 433 heures de vol transportant plus de 820 tonnes de matériel et 1.160 passagers. Après les avions français, ce sont les C-130 belges qui ont assuré le plus de vols d’approvisionnement que ce soit vers d’autres pays (Tchad, Côte d’Ivoire, Niger) ou à l’intérieur du Mali. La participation des équipages et du personnel technique à SERVAL, une parfaite réussite, est due à la grande expérience acquise depuis de nombreuse décennies sur le théâtre africain et à l’excellente préparation des équipages ‘’combat ready’’.

Vols Stratégiques, humanitaires et tactiques en RDC.

 Parallèlement à l’Opération Serval, la 20ème Escadrille poursuit ces missions dans le cadre de la Monusco (Mission des Nations-Unies pour la stabilisation de la avions de transport, République démocratique du Congo) pour qui un C-130 est détaché en permanence depuis 16 juillet 2009. L’appareil opère depuis l’aérodrome de Kisangani (RDC) chef lieu de la province Orientale du Congo. Fin février 2013, le détachement belge a assuré la 2.000 ème mission pour un total de plus de 2.600 heures de vols. Dans sa dépêche, le Ministre de la Défense, Pieter De Crem, cite les chiffres de 15.900 passagers et 5.200 tonnes de fret transportés. Le Hercules belge est l’un des rares polyvalent, dont dispose l’ONU pour desservir ses cantonnements répartis sur tout le territoire du Congo. Chaque mois, l’appareil est remplacé et une rotation de personnel est organisée. Le Colonel Masuy précise que, dans le cadre des missions extérieures de longues durées comme celle-ci, une attention particulière est portée aux temps passés à l’étranger. En règle générale, et selon l’intensité des missions, les journées et nuits en extérieur, appelées dans le jargon ‘’over night’’, sont de 120 à 150 par an, avec idéalement, quand cela est possible, un seuil limite de 100-120 grand maximum. Au-delà, dit-il, cela devient difficile socialement.

Rotations en Afghanistan.

Régulièrement,un C-130 assure une liaison depuis la Belgique vers l’Afghanistan pour approvisionner le détachement des 6 F-16 basés à Kandahar, mais aussi vers Kaboul, Kunduz et Mazar-e-Sharif où des Belges sont encore stationnés. Ces missions durent en général une semaine, à raison de 2 jours de vol et 2 ou 3 jours sur place.
   

ABT, AATTC, RODEO…

 Le planning est chargé et atteint la limite des possibilités tant en avions qu’en personnel puisque début mars est programmé à Ovar au Portugal,  l’exercice Airlift Block Training (ABT-13) qui monopolise 3 avions (4 étaient initialement prévus). Cet  exercice d’envergure de 2 fois 2 semaines  permet un entraînement combiné de la Brigade Légère (qui intègre les paras- commandos et le Spécial Forces Group) et des équipages de C-130. Le but,donner du support à la Brigade légère et consolider l’entrainement des crews C-130. Pour les membres d’équipage en formation, cette période d’activité fait partie de la phase de qualification sur C-130. Des parachutages de matériels et de troupes sont organisés de manières intensives. Lors de ces  manœuvres, les pilotes ont pu utiliser, lors de vols nocturnes, les fameuses lunettes de vision de nuit (NVG). Ils peuvent aussi s’aguerrir au vol en formation à plusieurs avions. L’EATC étudie actuellement la possibilité de mettre en place un exercice de type ABT mais à Murcie (Murcia – San Javier), dans le sud de l’Espagne où la météo est plus favorable. En effet, à Ovar, les missions ont régulièrement été perturbées par le mauvais temps qui sévissait sur la région. ABT est un héritage de l’exercice Herky organisé pour la dernière fois sur la BA-101 de Toulouse-Frankazal (France) en collaboration avec l’Armée de l’Air. Lors de cet entraînement, plus de 270 personnes : équipages, personnels  techniques et 150 paras ont été déployés durant 10 jours. Un autre cours d’envergure, pour lequel  la 20ème marque son intérêt,  est l’AATTC (Advanced Airlift Tactic Training Courses), surnommé le Red Flag des avions de transport, dispensé par le 139 Airlift Wing Missouri Air National Guard (Etats-Unis). La première phase qui a lieu sur la base de Rosecrans ANG, Saint -Joseph (Missouri), comprend une partie académique et des vols durant lesquels des manœuvres de défense sont étudiées. Ensuite, direction Fort Huachuca dans l’Arizona, à la frontière du Mexique,  où  le vol à basse altitude en montagne et le ’’dissimilar air combat manoeuvring’’ sont pratiqués dans des conditions proches du réel, dans un espace aérien à la mesure des Etats-Unis ! L’intérêt pour les équipages C-130 est que le scénario et l’environnement sont similaires à ceux rencontrés en Afghanistan. La demande de participation dépasse largement les opportunités d’y être, aussi l’EDA (European Defence Agency) prépare pour 2014 un exercice similaire qui aura lieu à Saragosse (Espagne). Toujours aux Etats-Unis, les Hercules participent quand cela est possible, au grand rendez-vous baptisé ‘’Air Mobility Rodéo’’. En 2011, sur la base de Mc Chord dans l’Etat de Washinghton, l’équipe C-130 y a remporté plusieurs épreuves comme la navigation et le largage de paras, de matériel et de vivres. Au final, ils sont rentrés au pays avec le trophée du ‘’Best International Team’’.
   

Personnel et entraînement.

Comme on peut le remarquer, l’activité de la 20ème Escadrille est intense et connait peu de périodes calmes. Le Colonel Masuy  cite, en fonction de cet emploi du temps chargé, deux problèmes importants, la difficulté de disposer d’avions C-130 pour l’entrainement des équipages tout en menant des missions opérationnelles et le déficit en personnel de maintenance. Au niveau des Commandants de bord, il y a une partie qui est disponible à 100% et est organique à l’Escadrille. Une autre partie est ‘’non organique’’ c'est-à-dire qui ne fait  pas partie intégrante de l’Escadrille.Ce sont des pilotes qualifiés qui occupent des fonctions d’Etat-major et qui constituent une réserve opérationnelle pouvant être mis en œuvre en cas de besoin. Pour le personnel technique, beaucoup d’éléments sont partis dans le civil suite aux mesures budgétaires prisent par le gouvernement.
L’entraînement des jeunes, est également un souci pour la 20 ème Escadrille pour qui la progression des pilotes qui arrivent à Melsbroek n’est pas assez rapide faute de temps et de moyens. Les nombreuses missions opérationnelles dévolues à l’Escadrille ne permettent pas toujours de libérer les instructeurs nécessaires pour assurer un suivi permanent en vol. Ces jeunes brevetés pilotes issus de la formation multi-moteurs à Avord ou, réorientés d’une formation sur F-16 ou hélicoptère, débutent par des vols de prise en main, puis logistique et tactique. Outre le suivi par l’instructeur, des phases de tests sont couramment programmées au simulateur de vol et des examens oraux sanctionnent la formation. Quatre jeunes pilotes sont actuellement en période d’écolage. Devenir Commandant de bord est un autre challenge qui entraîne, après avoir acquis une grande expérience comme pilote, une période de formation de haut niveau qui  s’étale sur 4 à 5 ans.
Un dernier mot sur la flotte des C-130 qui accuse son âge et dont le total des heures de vol dépasse allègrement les 200.000 heures. Maintenir 5 à 6 avions sur la ligne est un défi quotidien pour le personnel technique hautement qualifié. Une performance que les équipes réalisent avec brio et qu’il faudra produire au-delà de 2019 et de l’arrivée du premier A-400M. Les travaux d’infrastructure destinés  à accueillir le nouveau gros porteur vont débuter en 2015 et s’étaler dans le temps pour éviter toute interruption opérationnelle.
Les deux journées portes ouvertes seront une belle vitrine de ce que peut offrir comme emploi le 15ème Wing à des jeunes qui veulent ‘’vivre’’ autrement.


J’adresse mes sincères remerciements au Colonel Aviateur Bernard Masuy, Chef de corps, pour le temps qu’il m’a consacré lors de notre entretien, au Major Aviateur Quentin ‘’Q’’ Aelvoet pour les infos et les photos de l’opération Serval au Mali. Enfin, merci également à l’Adjudant Filip Wouters qui, à la veille de ses vacances, a réalisé une belle sélection de photos.