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Les
temps sont durs
pour Dassault. Mercredi 30 novembre, le Conseil Fédéral (gouvernement) Suisse optait
pour
l’acquisition de 22 Gripen NG d’une valeur de 3,1 milliards de Francs
suisses,
soit plus de 2,5 milliards d’Euros ou 100 milliards 825 millions
d’anciens Francs
belges. Ces 22 avions qui seront équipés d’un nouveau moteur produit
par
Général Electric sont destinés à venir remplacer les Northrop F-5
vieillissants.
Pourtant, il s’agit d’une décision très controversée tant sur le plan
militaire
que sur le plan politique. L’Aviation Militaire Suisse avait porté son choix sur le Rafale,
considéré comme le plus
performant des trois candidats mis en compétition depuis 2008, le
Gripen se
classant bon
dernier. Cette décision en
faveur du chasseur de SAAB est
dictée essentiellement
par des critères financiers et de compensations, le Gripen s’avérant
moins coûteux
tant à l’acquisition qu’à l’entretien. Le prix d’achat d’un Gripen est
évalué aujourd’hui
à quelques 50 millions d’Euros, contre 110 millions pour le
Rafale : du
simple au double ! Précisons que ce prix d’achat s’entend pour
un appareil
‘’ nu’’, sans pièces de rechange ni armements. Depuis Berne, le Conseil
Fédéral
précisait il y a quelques jours :
« que
cette décision permet d’acquérir un avion performant sans compromettre
d’autres
domaines de l’armée ni leurs équipements indispensables et, que les
compensations attribuées à l’industrie suisse atteindrons les
100% ». Ce
contrat n’est pas encore signé, le projet doit encore être porté devant
le Parlement
qui doit avaliser cette nouvelle dépense (prévue au budget, voir notre
article BREITLING
Sion Airshow d’octobre) et là, le débat politique risque de
s’enflammer, chaque
canton ayant son favori. Déjà la presse s’est déchaînée ; un
quotidien annonçant
‘’une plantée programmée ‘’ (Tages
Anzeiger ), un autre ‘’ que l’armée ne
voulait pas le moins cher mais le plus performant’’ (Bund) ou
encore ‘’c’est le choix d’un break sans option
plutôt qu’une rutilante berline’’ (L’Express et La Liberté).
L’Aargauer
Zeitung annonce que
le front composé du Groupe pour une Suisse
sans Armée (GScA) et la
gauche obtiendront un vote populaire sur ce dossier, un vote qui fera
sûrement
capoter le projet. Chose peu courante chez nous, pour tenter de s’attacher
les faveurs du
public qui pourrait donc être appelé à
donner son avis par référendum, les trois compétiteurs se sont engagés
dès le
début de l’évaluation suisse dans une campagne publicitaire démesurée,
y
engageant des budgets colossaux. Affiches géantes, publicités dans les
grands
quotidiens et spots télévisuels vantent les performances de leurs
appareils
respectifs ; lors du Breitling Airshow, les stands de SAAB et
EUROFIGHTER
débordaient de documentation destinée au grand public. Notons que le
GRIPEN est déjà un
succès à
l’exportation, utilisé par les forces aériennes suédoises, tchèques,
hongroises, sud-africaines et thaïlandaises. D’autre part, l’Empire
Test
Pilots’School britannique exploite également des Gripen dans le cadre
de l’entraînement
de pilotes d’essai pour
le monde entier.
La Force Aérienne Suédoise a participé à Unified Protector en Lybie
opérant au
départ de Sigonella en Sicile. Cinq Gripen en version de reconnaissance
étaient
engagés et ont totalisé 650 missions et plus de 2.000 heures de
vols ,150.000
clichés ont été tirés.
Dans le Golfe Persique, ce
sont les Emirats Arabes
Unis qui remettent en question l’acquisition du Rafale. Ici aussi aucun
contrat
n’était encore
signé à l’heure d’écrire
ces lignes alors que le Président français Nicolas Sarkozy et son
ministre de
la Défense, Gérard
Longuet, croyaient
vraiment que c’était dans la poche.
C’est le Cheik Mohamed Ben Zayed, prince héritier et Ministre de la
Défense, qui lors
du salon Aéronautique de DubaÏ a lancé
un fameux pavé dans la marre en
annonçant qu’il faisait appel au consortium EUROFIGHTER pour étudier
plus en
détails le Typhon. Pour lui, bien que le Rafale soit considéré comme le
‘’premier choix’’, politique et diplomatie ne peuvent faire passer les
conditions commerciales non compétitives et irréalisables de Dassault. Aux Emirats, le contrat
doit porter sur
l’achat de 60 appareils. Une nouvelle victoire à mettre à l’actif du
consortium
Eurofighter qui a mis en œuvre des Typhoon en Grande-Bretagne, en
Italie, en Allemagne,
en Autriche et en Arabie Saoudite.
C’est
essentiellement
pour les mêmes raisons économiques que le Koweït porte toute son
attention sur
le Gripen et envisage l’acquisition de 12 appareils de la version NG.
Au-delà
des considérations purement économiques, ce petit pays en superficie
(17.800
km²) préfère opter pour un avion adapté à sa situation d’autant qu’il
n’intervient pas en dehors de ses frontières. En effet, dit-on là-bas,
pourquoi
acquérir un avion aussi coûteux
- en
termes d’achat et d’exploitation - que le Rafale alors qu’un appareil
du type
Gripen est largement suffisant. Les conditions commerciales de Dassault
sont
également mises en cause face à la politique tarifaire et compensatoire
agressive de SAAB. Mais cela ‘’sent’’ également la revanche.
Souvenez-vous lors
de la guerre du Golfe en 1990, la France avait refusé de livrer des
pièces de
rechange et des munitions pour les Mirage F-1 que l’aviation
Koweitienne avait réussi à mettre à
l’abri en Arabie Saoudite.
Néanmoins, nous sommes certains que
le ‘’dogfight’’ va se poursuivre du côté de Dassault qui à ce jour n’a
pas
encore exporté un seul appareil du type Rafale. D’autant plus que cet
avion a
prouvé ses capacités lors de l’opération Harmattan en Libye. Engagées à
des
degrés divers, l’Armée de l’Air et l’Aéronautique navale peuvent se
targuer de
beaux succès dans des missions aussi diverses que les destructions
d’objectifs
au sol, la supériorité aérienne et la reconnaissance (Nacelle Reco NG
et pod
Damoclès). Autant de preuves des capacités multi rôles du fer de lance
français,
porté au standard F3, qui a pour la première fois mis en œuvre en mars
le
missile de croisière Scalp(Storm Shadow au sein de la Royal Air Force)
d’une
portée de 550 km. D’autres marchés restent ouverts tant en Europe
(essentiellement
de l’Est) qu’en Asie et en Amérique du Sud ; les plus chauds
pour le
Rafale étant actuellement le Brésil et l’Inde. Aux trois constructeurs
déjà
cités, vient s’ajouter, pour ceux qui disposent de gros moyens, le F-35
Lightning
II de Lockheed Martin à + de 115 millions de dollars/pièce - le Canada en a commandé 60
exemplaires ! Check
Six, les commerciaux de Serge Dassault appuyés par la diplomatie
française très
présente dans les cas difficiles, n’ont pas dit leurs derniers mots. Il
en va
de la survie de la chaîne d’assemblage de l’avionneur français.