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En arrivant à l’aéroport de Deurne – Antwerpen, après les dernières averses essuyées sur le trajet, j’avais quelques inquiétudes quand aux conditions météo du jour. Inquiétudes rapidement balayée par Danny Cabooter, le ‘’ boss’’ qui me rassure en annonçant une belle amélioration en cour de matinée. Après le rituel du p’tit kawa avec les quelques bénévoles déjà présents, j’entame la journée par quelques photos des préparatifs engagés sur les avions, un travail exécutés par des membres du Stampe Center et de l’ASA toujours fidèles au poste. Ils seront vingt-cinq en ce dimanche à donner un coup de main, quelques épouses s’occupant principalement du ravitaillement. Les Stampe locaux sont sortis du hangar et amenés au parking tandis que les avions qui ont passés la nuit à la belle étoile sont débâchés et délivrés des attaches qui les maintenaient au sol en prévision des orages annoncés la veille au soir. Vers 10 heures, je me dirige vers la salle où aura lieu le briefing pilotes et y retrouve quelques amis ex Force Aérienne aujourd’hui co- propriétaires de SV-4 .Parmi eux, Mario Aelaerts, Guy Truyens (F-104 et F-16), Rudy Ryckeboer (Mirage5 et Falcon) et Pol Alaerts (ex Light Avi). Danny Cabooter, président du Stampe Center donne les renseignements utiles au vol et établi la position de chacun dans la formation qui se divisera en trois V inversés de trois avions. Dans cette formation, il y aura un DH-82 Tiger Moth (D-AJHS) venu de Nordhorn-Lingen (EDWN) et piloté par Gravemeyr. Le OO-KAT dont le pilote avait un peu de retard au briefing, volera finalement en ‘solo’ derrière les autres. Font partie de la Stampe formation, Danny Cabooter (OO-GWC ), B.Van Milders (OO-EIR ), Pol Alaerts ( OO-GWA), Frank Demeyer (OO-GWB ), Raymond Cuypers (OO-WIL), Mario Alaerts (OO-PAX ), Rudy Ryckeboer (OO-SVB), Guy Truyens (OO-LUK), R.Voeten ( Tiger Moth D-AJHS) et L. Gysels (OO-KAT). J’ai la chance d’être invité à prendre place dans le V-43 qui se trouvera en tête de la formation à droite du leader. Après une mise en route sans problèmes, nous rejoignons le seuil de piste en une belle file indienne. Le décollage se fait sur la ‘’11’’ et nous effectuons directement un virage vers le nord, direction Wijnegem. Nous revenons vers le palais des Sports d’Antwerpen, survolons le Linkeroever pour un premier 360° qui nous emmène au dessus de la métropole anversoise puis effectuons un nouveau virage (360°) au dessus de la ville. Passage à 500 pieds (+/-150 m) et 70 Kts (130 km/heure) au- dessus de l’aéroport avec un petit ‘’coucou’’ à Radio Minerva qui a assuré une super promo de l’évènement. Les installations aéroportuaires dépassées, la formation se place ‘’ vent arrière’’ pour venir atterrir’’ à l’ancienne ‘’ sur la piste en herbe, parallèle à la piste en dur.Les appareils se rassemblent sur le gazon avant de rejoindre ensemble le parking devant un public conquis. Mission réussie pour les organisateurs qui ont accueilli plus de 3500 visiteurs le samedi et 4500 le dimanche, avec un plateau des plus alléchants les deux jours.
Patrick Peulmeule et Luc Barry, membres de l’équipe Flying Zone y étaient samedi et nous en ont rapporté quelques beaux clichés à voir ainsi que beaucoup d’autres dans notre galerie photos : Stampe Fly In 2011.
Merci à Danny et Rudy pour cette belle opportunité.Ce fût un beau vol dans une formation de rêve.En place avant du Stampe de Danny Cabooter avait pris place un passager ’’basque’’ dénommé Réginald ‘Reg’ Jouhaud. Avant de prendre place à bord des avions, Danny m’avait appellé pour me dire tout l’intérêt qu’il y avait à entrer en contact avec ce personnage hors du commun, passionné par le SV-4 et son histoire, auteur de plusieurs livres sur le sujet. Ce sera chose faite après l’atterrissage. Et effectivement, Réginald c’est quelqu'un ! Tout de go il me dit : " Tu vois le V-66 ? Et bien chaque fois que je viens à Anvers (prononcé Anver…comme nos voisins d’Outre -Quiévrain), des anciens de la Force Aérienne me disent avoir fait leur premières heures sur cet appareil .C’est marrant continue- t-il, il n’y a jamais eu de V-66 à la FAé ! De plus cet appareil est d’origine française et a volé dès 1947 avec l’immatriculation F-BDBO. Il a été converti en SV-4b par Gerrit Titeca". Le ton est donné. "Tiens, poursuit- il, regarde le V-41 (OO-LUK) c’est le seul des avions présents ici à avoir été remis exactement en l’état ‘époque Force Aérienne’’, marquages y compris". Je m’aventure à lui poser une première question, qui sera suivie par beaucoup d’autres.
A quand remonte ta passion pour l’aviation ? Aucune idée. Mon père Jacques m’a baptisé à Biarritz sur le Stampe F-BCGF quand j’avais un an…en 1947 (il ya une photo, dans les bras de ma mère, oui ce n’était pas prudent, mais à cette époque, hein…). Je crois qu’en fait je n’ai pas eu le choix ; je suis tombé dedans, comme Obélix dans la potion magique…et le Stampe c’est la potion magique, non ?Plus tard mon papa m’a appris à voler sur les Stampe de l’Aéroclub de Dax.
Mais plus précisément, cet amour pour le Stampe te vient d’où ? Mon père, membre de l’Aviation Populaire en 1937, mécano du n°347 squadron Tunisie (Halifax) des Forces Françaises Libres à Elvington, membre fondateur des Ailes Basques en 1945 était un amoureux inconditionnel du Stampe. Un jour il a du me mordre et contre cette rage, il n’y a malheureusement pas de vaccin. Ce n’est pas de l’amour, c’est une psycho pathologie qui relève d’un traitement psychiatrique lourd nécessitant parfois l’utilisation par mes proches d’une camisole de force… (rire)
Comment as- tu rencontré Jean Stampe ? Adolescent on ose tout ! J’étais en contact épistolaire avec Willy Coppens, grand amateur de pelote basque et auteur d’une histoire de la pelote basque inédite. Connaissant ma passion pour le SV-4, il m’a suggéré d’écrire à Jean Stampe et voilà. Cela remonte à 1967, mais je ne suis allé au 597A de l’Avenue Louise à Bruxelles que bien des années plus tard, le 4 juillet 1973 précisément. Notre cher grand aîné avait outre la passion de l’aviation celle des roses, son jardin en était tout décoré. La photo jointe est l’une des dernières, sa santé s’est rapidement altérée par après. A ce propos, il me semble que l’on pourrait apposer une plaque commémorative sur sa maison, une bâtisse sur les plans de laquelle il avait travaillé lui-même.
As-tu volé beaucoup sur SV ? Finalement très peu, quelques 400 heures seulement ( !). Amusant, j’ai volé sur le numéro 1 français, celui que possède aujourd’hui Danny Cabooter, mais aussi sur le dernier de la série, le n°700, F-BISU, en 1974. J’ai laissé périmer mes licences avion et planeur, faute de temps, et aussi par ras-le-bol de me faire dévorer tous mes moments libres par les charges de responsable d’aéroclub. Les copains de Bordeaux me tannent pour que je les renouvelle. Et puis je me suis tenu éloigné des aéroclubs durant près de quinze ans…voler sur des Robin ne m’attire pas…Mais quand j’ai appris qu’bordeaux ils retapaient un Stampe, alors là …
Une nouvelle aventure pour toi ? Oui .J’ai rejoint l’équipe (nous sommes 6) du conservatoire de l’Air et de l’Espace d’Aquitaine qui a remis en état le SV-4C immatriculé F-BBON. Tiens pour la petite histoire, à sa sortie d’usine (1946) il était immatriculé F-BCON ! Avant d’être bon, il était con ! Nous qui volons dessus disons volontiers qu’on fait le chemin inverse ! Aujourd’hui, je suis en train de le repeindre dans sa livrée d’origine avec les inscriptions à l’identique, mais ce n’est pas encore terminé. La peinture du cockpit a été refaite à partir d’un nuancier officiel. Jusqu’au n°325, la couleur intérieure provenait des stocks de la Luftwaffe, en l’occurrence un bleu-verdâtre genre feldgrau. A partir des années 50, lors de révisions majeures, les cockpits ont été repeints en ‘’vert Renault’’, celui des 4CV. Aujourd’hui, on trouve vraiment de tout. Le gouvernail est conforme. Mais il faut encore mettre ‘’ lever ici’’ sur les flancs du fuselage au niveau de l’avant dernier cadre, avec une flèche et également les quatre repères rouges de bord d’attaque permettant de positionner les cales de réglages des haubans. J’essaie de persuader le BBON team de remettre l’immatriculation sur l’extrados supérieur, comme avant. Cela ne se fait plus aujourd’hui mais le GSAC ou plutôt son tout nouveau successeur nous accordera certainement la dérogation nécessaire. Ce sera le premier en l’état, il n’existe aucun SV français peint exactement comme à la sortie des ateliers de la SNCAN (Société Nationale de Constructions Aéronautiques du Nord).
D’autres Stampe chez vous ? Non. Il est le seul avion volant du Conservatoire et est basé sur l’aérodrome de Bordeaux-Saucats, au sud, juste à côté du château de la Brède, demeure du grand Montesquieu.Un mot sur le conservatoire ? C’est le Musée Régional de l’Air d’Aquitaine, établi à Bordeaux-Mérignac sur une superficie couverte de 3500m². Il compte une quarantaine d’avions dont un Canadair à pistons, un Super Frelon, un Vautour IIB ,le Mystère IVN du record de vitesse de Jacqueline Auriol, un NC-702 Martinet, un Fouga Magister , la Caravelle ‘’zéro G’’ et un Dewoitine 520 prêté par le Musée du Bourget. Il possède également ce qui est probablement la collection la plus complète des avions Dassault, allant de l’Ouragan au Mirage 2000. Cela en fait le deuxième Musée aéronautique de France
Quel est ton meilleur souvenir ‘’aérien’’ ? Pour le Stampe je ne sais pas, il y en a tant. Mais dans le domaine de l’aéronautique c’est la rencontre de ma femme, vélivole et instructrice planeur bénévole. Je l’ai rencontrée sur le terrain d’Itxassou (Situé au cœur du Pays Basque, à une portée d’aile de St Jean de Luz- ndlr) où je venais me poser en Piper J3 alors qu’elle volait sur un planeur Wassmer-Javelot…c’était en 1978 !
Et une anecdote particulière ? La dernière en date : avec le CPVA d’Angers (Centre de Perfectionnement de Voltige Aérienne) nous avons réussi à convaincre Louis Souchet de venir à la Coupe de Voltige d’Anjou 2010, une coupe 100% dédiée au Stampe. Louis Souchet, 85 ans, est un ancien instructeur de Saint-Yan, membre de la célèbre Patrouille de Saint-Yan, plus de 8000 heures sur Stampe. Il n’avait plus volé sur SV-4 depuis 23 ans. Il est parti en place avant avec Jean-Luc, le Président de la section voltige et nous a gratifié d’un beau vol, élégant, terminé par une PTU glissée en arc de cercle parfait au terme de laquelle les roues ont touchés en entrée de piste. Pour nous spectateurs un moment de bonheur intense et pour Louis, le plaisir immense d’avoir retrouvé son légendaire biplan. Les deux mis ensemble, cela fait un grand coup de cœur.
Le saviez-vous ? Les moteurs de la Juvaquatre et du Stampe sont nés sur la même chaine de montage chez Renault à Billancourt après la guerre. Le rapprochement n’avait jamais été fait…et il m’a fallu deux ans pour trouver la Juvaquatre près d’Arcachon et réunir les deux ‘’stars’’ sur notre terrain.
‘’Té’’ comme on dit chez nous, en 2010 nous avons participé à la prise de commandement de l’Ecole de Chasse franco-belge de Cazaux par un officier belge. Pour cet évènement il fallait quelque chose de commun aux deux aviations. Nous avons réunis sept Stampe, quatre français et trois belges-dont celui de Danny-qui sont venus saluer le détachement de la Force Aérienne.
Ton appréciation sur le Stampe Fly-in ? Deux magnifiques journées, superbe plateau, admiration pour les organisateurs. Une ambiance festive tellement agréable parmi les volants et les visiteurs venus en famille sans chichis, comme dans les meetings des années cinquante-soixante. Mais aussi pour moi, la joie inestimable de retrouver l’équipe des Stampistes qui m’est très chère : la famille Cabooter, Karel Boss, Guido, Franck et tous les autres. Et puis il y cette émotion toujours présente de se retrouver sur un terrain historique où planent les ombres de Jan Olieslagers, de Jean Stampe et bien d’autres sans qui l’aviation ne serait pas ce qu’elle est devenue. Deurne, un haut lieu du patrimoine aéronautique préservé au prix d’efforts inouis. Un moment particulièrement émouvant : à table lors du BBQ, avec le filleul de Jean Stampe, nous avons évoqué sa mémoire et nous nous sommes retrouvés tous les deux les larmes aux yeux, la gorge serrée. Derrière son aspect un peu bourru, Stampe était un homme merveilleux, un humaniste rare. «Il ne faut garder des gens que ce qu’il y a de bon et oublier le reste» disait-il…plus de trente ans après il reste notre éclaireur. En parlant de patrimoine, je vais mettre Danny en rapport avec Christian Ravel qui s’est occupé du dossier ‘’Patrimoine Aéronautique’’ qui a finalement été accepté par notre Ministre de la Culture. Le Stampe chez nous est classé ‘’patrimoine’’. Il serait incongru qu’il n’en soit pas de même dans le pays qui l’a vu naître, non ?
Pourquoi ne pas être venu avec le F-BBON ? Hors de question d’utiliser le potentiel moteur limité du Renault pour faire 2600 km, près de vingt heures de vol, six escales…le tout représentant aussi un budget de plus de trois mille euros.
Reginald a, nous en sommes convaincu, encore beaucoup de chose à nous raconter sur le Stampe et nous aurons certainement l’occasion d’en faire écho dans notre magazine. Par ailleurs, il nous tiendra au courant de l’évolution de la peinture de l’avion, photos à l’appui. En début d’article, nous vous signalions que notre ami était l’auteur de plusieurs livres ; en voici la liste : Histoire du Vol à Voile Français - primé par l’Aéro Club de France (Editions Cepadues), Stampe Aircraft chez Wimpel, Stampe légende volante chez Bleu Ciel, chez le même éditeur : Once Upon a Stampe, petit recueil de dessins humoristiques dans la tradition Monty Python en anglais et un porto-folio de profils en couleurs à la gouache. Il est également auteur de nombreux articles dans Trait d’Union, la branche française d’Air Britain. Il collabore également avec Christian Ravel, qui lui confie la réalisation des planches techniques de ses ouvrages (Planeurs Avia, les Emouchets, les Caudron C800 et d’autres en préparation. L’Education Nationale, où Reg a fait sa carrière comme prof d’anglais, lui confie depuis prés de 40 ans la préparation et la surveillance de l’examen du Brevet d’Initiation Aéronautique dans sa région.
Voilà donc un homme très actif dans le domaine de l’aviation et de sa promotion. Il nous a d’ailleurs confié à ce sujet : il me semble difficile, voire impossible d’aimer l’aviation sans essayer de la promouvoir partout, à chaque occasion, surtout auprès des jeunes.
Merci à Réginald pour le temps qu’il a bien voulu m’accorder.
Reg, ce fût une courte mais très chouette rencontre.
Les photos sont de Bruno Vielle, chef mécano du team et de Reginald Jouhaud.