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Le Concorde
2eme partie.
Hubert Creutzer
Suite à un premier article sur ce prestigieux avion qu’était le Concorde, nous parlerons, dans la deuxième partie, de sa mise en exploitation commerciale et quelques détails de son aménagement.
Les premiers vols commerciaux débutent le 21 janvier 1976 sur le trajet Paris-Rio de Janeiro et Paris-Caracas via les Açores, pour Air France et par Londres-Bahreïn pour British Airways.
Les
vols sur les Etats-Unis, comme nous l’avons vu, sont toujours interdits. Finalement le 4 février 1976, cette interdiction est levée par le Secrétaire américain aux transports mais dans un dernier baroud
d’honneur, les autorités portuaires de New York interdisent le survol local du Concorde. Voilà la raison pour laquelle les premiers vols vers les Etats Unis ont débuté en fait d’abord sur Washington.
Cependant, devant l’avantage que procurent les vols supersoniques, les autorités acceptent finalement de lever l’interdiction en 1977.
Ensuite
certaines destinations sont choisies, souvent pour de courtes périodes. Le vol Londres –Singapour par exemple est inauguré en 1979 avec un appareil peint, d’un côté aux couleurs Singapore Airlines
et de l’autre aux couleurs British Airways mais l’opération est arrêté après seulement 3 vols, sous la pression des pays survolés lors du vol entre Bahreïn et Singapour. En effet, suite au refus du
gouvernement malaisien du survol de son territoire, le gouvernement indien a pris la même décision un peu plus tard, si bien que les vols ont été, après quelques mois seulement, supprimés.
Aux Etats-Unis, une autre expérience a été tentée avec la compagnie Braniff qui a opéré des vols Washington-Dallas aller-retour avec l’Europe tant avec des Concorde British Airways que Air France. Ces avions n’ont jamais porté
les couleurs de la compagnie américaine.
Les
Concorde arrivant à Washington devaient changer d’équipage au profit d’un équipage américain et devaient prendre une immatriculation américaine pour le segment de vol Washington-Dallas, ainsi que pour le
vol retour. Bien entendu ces vols intérieurs aux USA s’effectuaient en vitesse subsonique. Les avions étaient immatriculés dans la série N94 suivie des 2 dernières lettres des registrations
françaises ou anglaises. Par exemple le F-BVFD devenait le N94FD et le G-BOAA prenait la registration américaine N94AA. Par contre, il y a eu une seule immatriculation N81, un Concorde British Airways immatriculé
G-BOAC/N81AC
Cette opération n’étant pas rentable, les vols furent suspendus en 1980, après moins de deux ans d’exploitation.
Finalement à partir de 1983 les compagnies Air France et British Airways ne gardent que les vols sur New York.
Pour rentabiliser aux mieux les appareils, les compagnies proposent même des vols charters, tels des « Tours du monde » qui parfois duraient un mois. Certaines années Air France effectuait jusqu'à six voyages
par an. D’autre part beaucoup de chefs d’Etats ont utilisés le Concorde : le Président Pompidou, le Pape Jean-Paul II, le Président Mitterrand, le Président Mobutu, les autorités de l’Onu, et de nombreuses
personnalités importantes dans le monde.
Un problème majeur et récurent est celui du coût de maintenance. Pour chaque heure de vol, le Concorde nécessite une maintenance de 18 à 2O heures contre deux pour un appareil classique. Notons aussi que le coût
d’utilisation des avions est victime de leur faible utilisation.
Dans le cas du tour du monde, par exemple, il y avait deux mécaniciens et un technicien supplémentaires à bord des avions, ainsi qu’un lot de pièces de rechange ! Cela revenait très cher.
Concorde n’a connu qu’un seul accident grave dans toute sa carrière, celui du 25 juillet 2000 qui coûta la vie aux 114 passagers et membres de l’équipage.
La cause de l’accident était due à une lame métallique tombée de l’avion qui le précédait (un DC-10 de Continental Airlines) sur la piste. Ce qui provoqua l’éclatement du pneu du Concorde lors de sa procédure
de décollage. Par enchainement, un incendie s’est déclaré, entrainant la chute de l’appareille près de Roissy (Paris), sur la commune de Gonesse.
Pour remédier à ces problèmes (incendies), des modifications ont été apportées aux autres Concordes (notamment sur les réservoirs).
Continental Airlines, quant à lui a été condamné pour défaut de maintenance.
D’autres petits problèmes sont apparus plus tard, sur plusieurs avions. Ceci ajouté à la baisse du nombre de passagers (dû à la catastrophe de Gonesse), les coûts d’entretiens faramineux et les conséquences des
attentats du 11 septembre 2001, ainsi que les nouvelles normes de pollution, de bruit et la hausse du prix du carburant, ont conduit Air France et British Airways à l’arrêt définitif concerté de tous les vols
Concorde le 10 avril 2003.
Le coup de grâce intervint après la décision d’EADS de ne plus assurer l’entretien du supersonique à partir d’octobre 2003. S’en suivit quelques vols d’adieux d’Air France et
British Airways.
Maintenant, quel était le ressenti d’un passager face à ce magnifique « oiseau blanc » ?
Lorsque l’on passe la porte du Concorde, la première excitation est celle de se demander ce qu’on va découvrir à l’intérieur.
Par
contre, le sentiment est celui de se trouver devant un long couloir très étriqué ; on croirait se trouver dans un avion d’affaire plutôt que dans un avion de ligne standard.
Nous trouvons des rangées de deux fois deux sièges seulement, pas très larges, loin de la largeur des sièges de première classe des DC10 ou B747 de l’époque. Un léger
détail, les coffres à bagages prennent assez bien de place mais cela peut être dû aux dimensions de la cabine.
Le plus marquant est la faible hauteur de la cabine (référence au jet d’affaire). Pour peu que l’on ait une certaine taille, comme moi, on ne peut se déplacer sans
devoir se courber un peu (comme dans un CRJ par exemple). On a hâte donc de s’asseoir.
On découvre des sièges pas très large mais pourvu d’accoudoirs plus spacieux et confortables que ceux de siège classe économique. N’oublions pas qu’un vol normal ne dure pas plus de
3h30 environ, loin des 10 à 14 heures sur nos longs courriers actuels.
L’avion ne dispose pas d’écran de projection ou de vidéo; seule de la musique est diffusée dans des casques à la qualité sonore loin de ceux disponibles actuellement en première classe ou même en classe
économique. Mais nous sommes en 1976 et les normes ne sont pas les mêmes ! Rappelons pourtant que nous sommes dans un avion très haut de gamme où notamment le confort devrait être bien supérieur.
Précisons que la classe unique sur Concorde est la classe « R », supérieure, en principe, à la classe « F » (first) sur les autres types d’avion. Mais ce n’est pas tout à fait le cas.
L’avion quitte l’air de stationnement pour rejoindre la piste de décollage, il s’élance avec une inclinaison semblable aux autres jets, même si la poussée des réacteurs est impressionnante. Nous nous élevons assez vite
pour atteindre une altitude de 10 à 12.000 mètres.
Débutant
notre traversée de l’atlantique, le Commandant de bord nous informe qu’il va enclencher les postcombustions pour atteindre Mach 2, soit au moins deux fois la vitesse du son. Il est bon de nous informer car
jusque-là et avec l’effet de l’altitude (on est à plus de 40.000 pieds), on a l’impression de ne pas trop avancer ! D’un coup, l’accélération est très brutale et on se sent callé dans le fauteuil…,
mais cette sensation disparaît bien vite.
A ce moment, on est rivé au cadran du machmètre situé sur la cloison avant de chaque cabine. Tout se passe calmement dans la cabine et nous arrivons à la vitesse de croisière de mach 2,2. Par contre, aucun applaudissement,… c’est
si normal… comme si nous étions blasés…
Les tables individuelles des passagers sont alors dressées et le service peut commencer. Les nappes sont disposées et un plateau y est posé, seule l’assiette du repas est remplacée au fur et à mesure. Comme on le
constate, il s’agit en fait du système utilisé actuellement en classe affaire et non du système de la première traditionnelle où tout est chaque fois dressé et changé devant le passager. On est pourtant en
classe « R » ; mais sur un vol Concorde on manque de place dans les cuisines de bords (Galley) (loin d’un Boeing 747-8 ou d’un Airbus A-380). Il faut aussi économiser le poids inutile : l’économie de poids
permet plus de carburant.
La
nourriture, digne d’une première classe, est remarquable (voir les photos du menu) sachant d’autant plus que nous volons à la vitesse d’une balle de fusil et à 20.000 mètres d’altitude ! Les vins quant à
eux sont excellents et chambrés on ne peut mieux. Je n’ai jamais retrouvé ce niveau de qualité et surtout de température des vins sur aucun vol que j’ai pu effectuer en première classe ou encore en classe
affaire. Quant au champagne, d’une marque renommée, « ça ne se refuse pas » nous disait l’hôtesse.
Le service dure entre 1h30 et 2h. Précisons aussi que, vu le faible espace disponible à bord, le personnel de cabine ne dispose pas de chariot (Trolleys) pour le service : chaque assiette est présentée séparément au passager et amenée depuis les cuisines.
L’atmosphère à bord est très calme et très guindée ! La grande majorité des passagers sont des hommes d’affaires très concentrés sur leurs dossiers, des personnes connues du monde politique, artistique ou littéraire.
Regardons
autour de nous : le fuselage est divisé en deux cabines de 60 et 40 passagers séparées par un bloc cuisine et des toilettes.
Les parois de l’avion devraient en principes dégager une certaine tiédeur, due au frottement de l’air sur l’extérieur de la carlingue à très haute altitude et haute vitesse, mais on ne sent rien.
L’avion dispose de deux soutes à bagages, une à l’avant et l’autre totalement séparée, vers l’arrière. Elles ne sont pas pressurisées.
Si un animal doit voyager (comme nous l’avons vécu), il doit voyager en cabine et payer une place comme passager « normal » en quelques sorte et… au même tarif… mais il dispose d’un siège pour lui seul. C’est la moindre des
choses, au prix où est le billet Concorde.
Les hublots sont plus petits et beaucoup plus espacés que, par exemple, sur un Boeing 707 ou McDonnell Douglas DC 8.
En
regardant vers l’extérieur, à une altitude de 20 km, le ciel au-dessus de l’horizon est noir. Dans le sens New York – Paris le coucher du soleil est extrêmement rapide et il suffit de quelques minutes
pour qu’il disparaisse à l’horizon.
L’arrêt des postcombustions donne l’impression d’un freinage brutal.
Quant à la phase d’atterrissage, l’appareil effectue toute la descente, incliné vers l’arrière (comme la navette spatiale). Arrivé à quelques mètres du sol il se redresse avant le touché final.
L’appareil
n’offre pas le confort d’un jet actuel mais ce qui intéressait le passager de l’époque, c’était la vitesse, rien que la vitesse. L’homme d’affaire partait de Paris à 11H30 du matin, arrivait à 8h locales à
New York, avait ses rendez-vous professionnels et reprenait l’avion pour Paris en fin d’après-midi où l’arrivée, décalage horaire oblige, était prévue en fin de soirée.
Aujourd’hui, avec la disparition des vols supersoniques, cela est devenu impossible et nécessite donc une nuit sur place.
Si actuellement des passagers habitués au service « first class » (ou même business) devaient voyager en Concorde, ils seraient assez déçus, je crois, même s’il y aurait encore cette mystique que génère le vol à 2
fois la vitesse du son.
A l’époque du Concorde, on ne pouvait avoir, en même temps, rapidité et confort.
Espérons que les générations futures pourront avoir cette possibilité dès lors que seront développés des avions supersoniques de grande capacité qui associeront confort, rapidité et surtout économie de cout d’opération
et de consommation de carburant.