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Heli Samu
1985-1990
Luc Barry - Février 2022
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Les premiers essais de transport médical
héliporté sont effectués par un hélicoptère Alouette II de la Sabena en
1963. Le patient est installé dans une cabine amovible fixée à
l’extérieur au-dessus de chaque patin situé de part et d’ autre de
hélicoptère (suivant le modèle utilisé par les américains sur leurs
hélicoptères pendant la guerre de Corée). Cette expérience est peu
concluante car le personnel médical à bord n’est pas en mesure de
prodiguer des soins au patient. Les années suivantes des Alouette (avec
une civière à l’intérieur de l’hélico) de l’armée ainsi que les A330
Pumas de la Gendarmerie (équipés de trois à six brancards) sont
quelquefois mis en place lors d’événements publics et à l’occasion de
déplacements importants en voitures comme cela se passe lors des
vacances scolaires.
Un service d’aide médicale urgente
aérien expérimental, Heli Secours, est démarré en 1974 par l’État Belge
avec l’aide de la Protection Civile au moyen d’un hélicoptère Alouette III, achetée neuve du constructeur. N’étant pas en mesure de couvrir
l’ensemble du territoire, sa vétusté ainsi que son équipement
rudimentaire ont incité une prise en charge supplémentaire par le
secteur privé. 2508 OO-PCB
Une campagne d’information est menée par Arnold Felix, président
de l’Amicale des Corps de Sauvetage - ACS
de La Hulpe
(1),
auprès
de
sponsors potentiels ainsi que des différents services de soins
intensifs et de réanimation des hôpitaux universitaires du royaume.
Tous témoignent d’un vif intérêt car une étude avait démontré que le
temps d’intervention d’une équipe médicale est un facteur essentiel
pour la survie des blessés. En effet, dans plusieurs régions du pays
dont les provinces de Namur; du Luxembourg et du Limbourg, l’arrivée
des secours dépasse largement le seuil critique de onze à quinze
minutes défini par l’expérience médicale. L’ASBL d’utilité publique
Heli Samu est constituée dans le courant de 1984 et débute ses
opérations en mai 1985.
Le conseil d’administration se compose des promoteurs et
fondateurs de l’ASBL: ACS, VC Helicopters exploitant
d’hélicoptères
depuis 1983 à l’héliport de Leeuw Saint Pierre situé dans les environs
de Bruxelles, le professeur Pierre de Temmerman chef du service médical
d’urgence de l’hôpital Saint Luc à Bruxelles, qui en devient le
président; les pilotes Jacques de Gauquier, instructeur et consultant
en aéronautique ainsi que Bernard de Biolley et Alphonse Dumoulin
chargés des opérations aériennes et de la reconversion des pilotes sur
hélicos sanitaires. Un conseil médical au sein de la société composé de
médecins urgentistes définit et contrôle les normes ainsi que les
modalités de fonctionnement du nouveau service.
Les assurances Winterthur et G-banque interviennent dans le
financement du projet ainsi que Touring Club de Belgique et Touring
Secours soucieux d’offrir une assistance supplémentaire pour ses sept
cent mille affiliés vu l’augmentation croissante des accidents de la
route. Le public est encouragé à souscrire un abonnement annuel qui
englobe tous les membres d’une famille au tarif de 600 bf (15 Euros)
couvrant l’ assistance et le transport par hélicoptère au tarif
identique d’un transport par ambulance classique.
Le choix se porte sur l’hélicoptère MBB
Kawasaki BK117A3, loué du constructeur allemand, largement utilisé dans
d’autres pays européens et aux USA. Il est apprécié pour
sa vaste cabine et
son équipement médical moderne: oxygène médical; moniteur cardiaque;
défibrillateur; ventilateur, mallette avec accessoires complet pour les
soins intensifs; intubation trachéale; possibilité de branchement d’une
couveuse etc. Les deux portes arrières s’ouvrent pour faciliter
l’embarquement et le débarquement de deux patients sur civières. Outre
les équipements radios conventionnels qui permettent à cet hélicoptère
biturbine d’effectuer en principe des vols de nuits IFR bien que
ceux-ci soient malheureusement limités par la législation belge aux
vols de jour, les contacts radios sont également possibles avec les
différentes centres du service 900 auquel est répondu à tout appel
d’intervention de leur part. 4500 OO-XCY TS 900
Tous les collaborateurs et les téléphonistes mis à la disposition
du centre opérationnel à Leeuw Saint Pierre par ACS prestent sur base
de volontariat pour Héli-Samu, sauf les pilotes en provenance de VC
Helicopters, tandis que le médecin accompagnateur et l’infirmier/ère
diplômés urgentistes restent rémunérés par leur hopital.
VC Helicopters s’occupe des opérations
aériennes et de la maintenance de l’hélicoptère basé à Leeuw Saint
Pierre tandis qu’un deuxième exemplaire est envisagé dans le futur afin
d’assurer la couverture complète de la Belgique car celle-ci est
limitée dans un premier temps à une zone d’action théorique de
quatre-vingt km autour de la base bien que des interventions dans les
pays limitrophes sont envisageables.
Les missions médicales sont de trois types: la mission primaire
consiste en l’intervention de l’hélicoptère sur le lieu d’accident ou
de catastrophe où le médecin effectue les premiers soins avec
stabilisation du patient et décide ensuite du transfert soit par
l’hélicoptère ou par ambulance terrestre vers un hôpital disposant d’un
service d’admission et de réanimation d’urgence. La mission secondaire
concerne le transfert sous contrôle médical d’un ou de deux patients
d’un hôpital vers un autre mieux équipé. La troisième se rapporte au
transport d’organes pour Eurotransplant (organisme en charge de la
coordination et de l’attribution des organes greffés pour l’Autriche;
la Belgique; l’Allemagne de l’Ouest; le Grand Duché de Luxembourg et
les Pays-bas). A ces missions s’ajoute le transport de couveuses avec
nouveaux-nés ayant des complications.
La première intervention se déroule le 29 mai 1985 au stade du
Heysel à Bruxelles. Au début de la rencontre de la finale de Coupe
d’Europe de Football une bousculade déclenchée par des supporters
entraîne des morts et de nombreux blessés parmi les spectateurs.
L’Alouette III d’Heli Secours, un Puma de la Gendarmerie et le BKK117
d’Héli Samu arrivent sur place mais ces trois hélicoptères n’ont
cependant pas participé à l’évacuation de blessés ceux-ci étant
transportés par ambulance.
Au cours de la première année d’exploitation, cent trente
interventions sont accomplies ; l’année suivante trois cent
cinquante-cinq, à la satisfaction du corps médical spécialisé en
intervention urgente.
Le 15 octobre 1986 est effectué la dernière mission de l’Alouette
III d’Heli Secours. Clouée au sol, elle doit subir une importante et
coûteuse révision. Resté au stade expérimental, le résultat n’est
cependant pas négligeable: trois mille missions exécutées, mille huit
cent patients traités, deux cent cinquante vies sauvées et quatre cent
personnes évacuées. Débutés à la Sabca, les travaux n’aboutissent pas
suite aux nombreux problèmes politiques; l’hélicoptère est transféré à
la Force Navale pour être finalement re-expédié à son constructeur
français en juin 1989. L‘hélicoptère d’Heli Samu poursuit seul ses
missions. Entre-temps L’AZ Sint Jan à Bruges souhaite créer son propre
samu par hélicoptère pour l’été 1987, estimant qu’ Heli Samu est trop
lent à mettre un deuxième hélico en service.
En décembre 1987, le gouvernement refuse l’intégration d’Heli
Samu dans le service national 100 prétextant que l’État doit y garder
une place prépondérante afin de respecter sa politique des soins de
santé. Heli Samu réplique et affirme que la décision ministérielle
compromet son développement futur. Touring Secours maintient son appui
à l’ASBL en plaidant la complémentarité et la collaboration entre les
deux services de secours. Persuadé du bien-fondé de sa cause, une
convention est encore signée en février 1988 entre Heli Samu et des
partenaires liégeois pour l’installation d’une base hélico à proximité
du CHU de Liège au Sart Tilman. VC Helicopters se retire cependant en
avril 1988 et reproche à Heli Samu sa mauvaise foi en ne voulant pas
collaborer avec la Croix Rouge et les autres corps de pompiers. Les
opérations sont temporairement suspendues car l’hélicoptère doit
retourner en Allemagne pour maintenance.
Le premier juillet 1988, Heli Secours est à nouveau opérationnel
avec deux Alouette III prêtées par l’armée pour couvrir tout le pays en
attente d’un hypothétique achat de deux nouveaux hélicoptères. L’une
est basée à Namur, l’autre à Bruges car les Seaking de la Force
Aérienne ou les Puma de la Gendarmerie souhaités initialement par Heli
Secours sont indisponibles pour ce genre de missions.
Après maintes discussions impliquant les trois ministères de
l’intérieur, de la santé publique et de la défense nationale,
l’autorisation de reprise des activités d’Héli Samu est obtenue en août
1988 à condition que celles-ci se déroulent en étroite collaboration
avec le ministère de la santé publique qui obtient deux sièges dans le
conseil médical de l’ASBL. TS ne souhaite plus
prolonger sa participation mais d’autres sponsors prennent la relève:
Swift, Smith Kline et l’association peut continuer à compter sur les
cotisations des donateurs initiaux soit plus ou moins quinze mille
membres particuliers mais elle ne bénéficie toujours pas de subsides ni
d’avantages fiscaux de l’État. L’hôpital Érasme à Anderlecht s’engage à
investir dans l’aménagement d’une base pour l’hélicoptère de
l‘association pour remplacer celle de Leeuw Saint Pierre.
Une restructuration administrative et financière intervient en
donnant naissance à Odema (Omni Discipline Emergency Medical Aide) New
Heli Samu toujours avec la collaboration d’ACS.
Les vols redémarrent en décembre 1988, lorsque le BKK117 revient
de sa révision en Allemagne bénéficiant de performances améliorées
(capacité des réservoirs augmentée ainsi que son poids maximum au
décollage) et l’apport de deux fenêtres sur les portes arrières. Décoré
en partie aux couleurs de la Sabena, la maintenance est désormais
confiée à Sabena - Technics à l’aéroport de Bruxelles - National où
l’appareil est stationné en fin de journée.
L’année suivant la reprise, une mission
primaire et une secondaire sont effectuées en moyenne par jour ainsi
que deux cent cinquante transferts sanitaires entre hôpitaux
universitaires dans la région bruxelloise. 36% des interventions
concernent des blessés graves, 26% des accidents cardiovasculaires et
10% des urgences impliquent des nourrissons en couveuse. Comme au début
en 1985, chaque transport est facturé 90 bf/km (2,25 Euros) au patient
soit le même tarif que pour un déplacement en ambulance.
Fin 1989, le ministre Busquin en charge de la Santé publique
refuse à son tour de signer la convention pour l’intégration dans le
service national 100 car il estime superflu l’assistance par
hélicoptère vu l’important réseau routier belge. Les sponsors ne
désirent plus apporter de subsides à l’association et celle-ci cesse
ses activités en janvier 1990. D’autres initiatives privées de secours
aérien se mettent cependant en place dans les années suivantes mais
ceci mérite un autre article.
(1)
ACS composée de volontaires, cette organisation active depuis 1969
est la première du genre en Belgique à se spécialiser dans le secours
médical urgent pour l’entièreté du territoire national.