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Le SMB.2, mémoire d'une grande époque à Cambrai

 Patrick Peulmeule - Mai 2013


 Un magnifique Super Mystère B.2 (SMB.2) aux marques de l'EC 1/12 "Cambrésis" orne désormais l'entrée des installations de l'Aéro-club Louis Blériot sur l'aérodrome de Cambrai-Niergnies (voir Flying Zone d'avril 2013), en provenance de la Base Aérienne 103 "René Mouchotte" de Cambrai-Epinoy qui a fermé ses portes le 28 juin 2012.
Comme l'a souligné le Général d'Armée Aérienne Denis Mercier (Chef d'Etat-Major de l'Armée de l'Air) lors de son allocution inaugurale le 6 avril 2013, le Super Mystère B.2 a été un avion important pour l'Armée de l'Air. Il constitua l'ultime évolution de la première génération des chasseurs à réaction construits par les avions Marcel Dassault (Ouragan et Mystère) avant l'avènement de la famille des Mirage.

Un intercepteur racé et efficace, fer de lance de la défense aérienne.

 Premier appareil européen supersonique en vol horizontal, le SMB.2 (initialement désigné Mystère IV B.2) fit l'objet d'une commande de cinq avions de pré-série (n° 01 à 05), le 01 effectuant son vol initial le 15 mai 1956 avec le pilote d'essais Gérard Muselli aux commandes. La série porta sur 180 appareils, dont 144 perçus par l'Armée de l'Air et le solde livré à l'Etat d'Israël (au service duquel le SMB.2 fit ses preuves en combat, notamment en 1967 lors de la guerre des 6 jours).
Equipé d'un réacteur SNECMA Atar 101 G doté de la post-combustion (poussée maximale de 4 400kg lui conférant un mach limite de 1,30 et un plafond de 15 000 mètres), le Super-Mystère B.2 apportait des performances améliorées par rapport à ses prédécesseurs immédiats en Escadres, les Mystère II et Mystère IV. Intercepteur avant tout, il grimpait vite, accélérait bien et faisait preuve d'une grande maniabilité, notamment à basse altitude. Très apprécié et bien mené par des pilotes chevronnés, il était capable dans son domaine de vol de rivaliser en combat rapproché avec des adversaires même plus récents et rapides tels le Mirage III. Sa mission secondaire était l'attaque d'objectifs au sol, en vue de laquelle l'instruction était aussi assidûment dispensée.
L'armement fixe du SMB.2 était constitué de 2 canons DEFA 552 de 30mm et d'un lance-roquettes en soute (assez rapidement abandonné au profit d'un réservoir de carburant); il pouvait emmener diverses charges sous voilure, notamment 2 missiles air-air infra-rouge AIM-9B "Sidewinder" ainsi que des réservoirs pendulaires de 625 ou 1280 litres.
Au niveau avionique, il est à noter que l'appareil était dépourvu de radar de bord, les interceptions étant guidées par les stations radar au sol (Centres de détection et de contrôle) jusqu'au contact visuel avec l'avion "hostile" - ce qui en faisait un intercepteur dit "de beau temps".
Le SMB.2 fut utilisé par trois Escadres de Chasse de l'Armée de l'Air chargées de la Défense aérienne du territoire : la 10ème EC de Creil (de mai 1958 à septembre 1974), la 12ème EC de Cambrai (d'avril 1959 à novembre 1977) et la 5ème EC d'Orange (de février 1961 à décembre 1966). Le Super Mystère aura ainsi connu une carrière opérationnelle de près de vingt ans, la 12ème EC de Cambrai-Epinoy ayant été l'utilisateur le plus important du type, que ce soit en termes de nombre d'avions affectés ou de durée (18 ans ½ et 154.000 heures de vol sur un total général pour l'Armée de l'Air de 331.800h). Le Super Mystère y a équipé pendant cette période les deux Escadrons de chasse de la Douze, les EC 1/12 "Cambrésis" et 2/12 "Cornouaille" (pour ce dernier jusqu'en début 1976), jusqu'à l'arrivée du Mirage F1C.
Le 1/12 reçut le 20 avril 1959 les trois premiers exemplaires du Super Mystère destinés à la 12ème Escadre (les n° 111, 112 et 113) et sera déclaré opérationnel au début de l'année suivante. Enchaînant entraînements intensifs, campagnes de tir, échanges, exercices et manœuvres, le 1/12 eut notamment l'honneur de participer, le 19 juillet 1961 à Woodbridge, au tout premier Nato Tiger Meet - dont il restait lors de sa dissolution le 30 mars 2012 le seul des trois membres fondateurs encore en activité (cf article paru en juin 2011 dans FZ sur le NTM 2011). Les qualités intrinsèques du B.2 furent aussi mises à profit pour assurer le "vieillissement" des pilotes affectés à la 12ème Escadre, qui "finira" les Super Mystère dans l'Armée de l'Air. Le dernier vol d'un SMB.2 y aura lieu le 12 novembre 1977, lors des cérémonies marquant le 25ème anniversaire de la création du "Cambrésis".

Le "temps des B.2" reste synonyme d'une grande époque à Cambrai, autant pour les pilotes que pour les mécaniciens chargés de leur entretien qui ont contribué à leur garantir une excellente disponibilité. Le Super Mystère aura rempli sans faillir les missions qui lui étaient dévolues, au premier chef desquelles figurait la défense aérienne des approches nord du territoire.

Double vie pour le 154.

Le SMB.2 n°154 qui vient de prendre ses quartiers à Niergnies, portant haut les couleurs de l'EC 1/12 "Cambrésis", est ainsi particulièrement représentatif de la présence de l'armée de l'air à Cambrai. Pour autant, cet exemplaire a aussi été utilisé par le 2/12 "Cornouaille". En effet, après avoir porté le code 12-YM au 1/12 (dans la série F-UHYx attribuée à cet Escadron), on le retrouve codé 12-ZJ (série F-UHZx attribuée au 2/12) en septembre 1968, revêtu d'un camouflage tout frais tranchant avec la finition "alu" d'origine. Il est à noter qu'il s'agit de l'un des trois premiers appareils à avoir été camouflés, ceci lors d'une révision effectuée en Israël. Le 154 repassera ensuite au 1/12, en tant que 12-YA (vu ainsi au meeting du 23 mai 1976), terminant avec les "Tigres" sa carrière opérationnelle.
Fort heureusement, cet appareil trouvera une seconde vie en tant que "monument". Il fut en effet retenu pour être exposé sur la Base Aérienne 922 "Capitaine Doumer" de Doullens (Somme), située à une cinquantaine de kilomètres de Cambrai. Cette base radar gérait le Centre de détection et de contrôle 5/922 (à l'indicatif célèbre : "Mazout radar"), affecté à la surveillance aérienne d'une grande partie nord de l'espace aérien français et de ses abords, en étroite collaboration avec les unités de chasse concernées. Cependant, dans le cadre des restructurations affectant l'Armée de l'Air, cette base fut transformée en août 2002 en Détachement Air 922, lui-même dissous en 2006. Dans ce contexte, après un séjour d'un quart de siècle à Doullens, le SMB.2 n°154 sera rapatrié sur la BA 103. Appelé à être présenté devant les locaux du 1/12, il sera alors remis dans les couleurs alu de ses débuts tout en conservant son dernier code opérationnel, 12-YA (F-UHYA), et les insignes du "Cambrésis". L'inauguration officielle est intervenue le 21 juin 2004, l'appareil étant placé sur socle auprès de la stèle célébrant les 50 ans de l'unité.

Poursuivi par les restructurations, le "Yankee Alpha" va encore connaître un déménagement, suite à la dissolution de la BA 103. Grâce à la persévérance de l'aéro-club Louis Blériot, sous l'impulsion de son dynamique président Philippe Macé, et aux autorisations données par l'Armée de l'Air, il échappera une nouvelle fois aux ferrailleurs. L'avion était visible, démonté, lors de l'ultime journée publique organisée sur la BA 103 le 27 juin 2012, veille de la cérémonie de fermeture.
       

ll sera transporté par camion vers Cambrai-Niergnies dès le 29 juin 2012. D'abord stocké, il fut remonté et hissé sur son socle fin mars 2013, opération difficile menée à bien grâce au dévouement de bénévoles et au moyen notamment de deux engins grues. La stèle commémorative du 1/12 a aussi retrouvé sa place devant le Super Mystère.
Il est intéressant de noter que l'aérodrome de Niergnies, à l'époque des SMB.2, était utilisé comme base de desserrement et de secours par les Escadrons de Chasse de la BA 103 notamment lors d'exercices et manœuvres, ou encore en cas de travaux à Epinoy. Créé en tant terrain civil en 1935, Niergnies fut utilisé successivement par les différents belligérants durant le second conflit mondial (les Allemands l'ayant doté en particulier de pistes en béton), puis fut porté aux normes OTAN au milieu des années 1950, avant d'être déclassé militairement durant les années 1990.
           

Paraissant toujours prêt à bondir à l'assaut du ciel, le chasseur aux lignes élégantes et pures rappelle désormais, si besoin était, la place tenue par l'Armée de l'Air dans la région Nord Pas-de-Calais et symbolise le maintien des liens étroits tissés avec la population pendant les soixante années d'existence de l'EC 1/12 "Cambrésis" et de la BA 103 (*).
   

Un Fouga pour voisin.

Pour terminer, mentionnons encore que le SMB.2 a rejoint à Niergnies le Fouga CM 170R Magister n°213/103-XN, présent ici depuis déjà quatorze ans, lui aussi témoin privilégié de la présence de l'Armée de l'Air à Cambrai.
Le célèbre Fouga, construit entre 1952 et 1969, premier appareil école permettant une formation ab initio sur réacteur, fut utilisé très largement par l'Armée de l'Air française (400 exemplaires sur une production totale de 929 pour une vingtaine de pays, dont la Belgique) en tant qu'avion d'instruction, d'entraînement et de liaison.
Parmi de multiples affectations au cours de sa longue carrière (mise en service au début des années 1960), le Fouga n°213 a connu le tarmac cambrésien à l'EEVSV (Escadrille d'entraînement et de vol sans visibilité) de la 12° EC, en tant que 12-XO (F-UHXO). On pouvait le noter sous ce code au Meeting du Tiger Meet de Cambrai-Epinoy du 15 juin 1986. Les photos ci-contre le montrent en service sous cette identité en mai 1992.

Après une incursion à la SALE (Section Accueil Liaison et Entraînement) de la 33ème Escadre de reconnaissance (section dissoute en 1995), le n°213 retrouvera ensuite la BA 103. Auprès de l'unité de liaison, alors renommée EAM 9/103 (Escale Aérienne Militaire – le niveau "Escadre" ayant à cette époque été supprimé), il sera recodé 103-XN (F-UHXN). Il terminera ainsi sa carrière, le dernier Fouga de l'EAM étant retiré du service en février 1997. Il est vu ici lors du meeting de l'Air de Cambrai Epinoy du 9 juin 1996, encore opérationnel, puis lors de celui du 17 mai 1998, après son retrait .

L'heure de la retraite avait sonné pour les CM 170R de l'Armée de l'Air (dernier vol fin juin 1997) mais le 213/103-XN trouvera fort heureusement sa place en début 1999 à Niergnies, place qu'il occupe toujours fièrement, orné d'une décoration "rajeunie" majoritairement blanche avec bandes tricolores sur l'extrados.
           


SMB.2 et camouflages.
 Au début de leur carrière, les SMB.2 étaient en fini métal naturel rehaussé d'une bande de fuselage en forme d'éclair, dont la couleur variait suivant l'escadron, soit, à Cambrai, rouge bordée de jaune pour le 1/12 "Cambrésis" et verte bordée de jaune pour le 2/12 "Cornouaille". Le nom "Super-Mystère" était peint sur la bande, en noir surligné de jaune. Les codes étaient portés en noir.
Entre 1968 et 1972, cette livrée "alu" est progressivement troquée pour des camouflages trois tons à base de verts et de beige sur l'extrados et de blanc cassé sur l'intrados. Plusieurs variantes ont d'abord existé, essentiellement celles dites "israéliennes" et "américaine" (style "Vietnam"). Par la suite, une uniformatisation intervint lors des révisions, le beige notamment cédant la place à un brun plus fonçé. Dans le processus, les cocardes furent réduites en taille et le drapeau de gouvernail de direction disparut, tandis que les codes devinrent progressivement blancs.
 Pour chaque Escadron, les insignes des deux Escadrilles constitutives étaient portés de chaque côté de la dérive : pour le 1/12, la "Tête de Tigre" de la SPA 162 à droite et la "Guêpe" de la SPA 89 à gauche ; pour le 2/12, le "Scorpion" à droite et le "Dogue" à gauche.




(*)Nota : un second SMB.2 provenant de la BA 103 devrait trouver place dans l'agglomération cambrésienne, celui-ci aux couleurs du 2/12 "Cornouaille".