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Du rêve à la réalité, naissance d'une compagnie aérienne.

Luc Barry - Janvier 2012

 Au lendemain de la guerre 1914-1918, quelques visionnaires émettent l'idée d'utiliser les énormes surplus d'avions militaires à des fins de transport plutôt que de limiter l'usage de ceux-ci à de simples instruments de voltige pour cirque aérien. En Belgique, le Commandant Georges Nélis, chargé des services techniques de l'Aéronautique Militaire, publie en 1919 un ouvrage qui fera date dans l'histoire de l'aviation commerciale de notre pays : « l'Expansion Belge par l'Aviation ». Dans ce fascicule d'une quarantaine de pages, l'auteur démontre que les progrès de l'aviation doivent mener à la constitution d'une société de transport aérien ayant à sa disposition du matériel de construction nationale. D'emblée cet ouvrage suscite l'enthousiasme des instances dirigeantes du pays ainsi que du Roi Albert Ier. Un syndicat national est formé avec l’appui financier des grandes banques et du soutien de l’État (SNETA - Syndicat, ensuite Société Nationale pour l’Étude des Transports Aériens) qui entrevoient dans cette entreprise un développement inespéré des activités commerciales belges non seulement en Europe mais également dans la Colonie d'autant plus qu'un comité d'étude pour la navigation aérienne au Congo (CENAC) est chargé de la faisabilité d'une liaison aérienne entre Léopoldville et Stanleyville, dernière ville atteinte normalement par voie navigable.

 La SNETA est constituée le 11 novembre 1919 sous la direction de Georges Nélis et s'installe sur la plaine d'aviation d'Evere jouxtant le cimetière de Bruxelles, ce qui fait ricaner les nombreux détracteurs de l'aviation. Les premiers avions sont inscrits au registre matricule aéronautique belge en mars 1920 ; trois Bréguet XIV, trois De Havilland DH9 et sept Rumpler C-IV provenant respectivement des armées françaises, anglaises et allemandes. Ces avions sommairement aménagés n'offrent aucun confort et seuls quelques voyageurs téméraires osent affronter le ciel ; la cabine est ouverte et chaque passager reçoit lunettes, bonnet et gros manteau avant de prendre place à bord. Le premier objectif de la SNETA est d'ailleurs de sensibiliser le public par l'organisation de vols de vulgarisation. La première liaison commerciale Bruxelles-Londres est inaugurée le 25 mai 1920 au moyen d'un DH9 ; Amsterdam et Paris suivront en mai 1921. Entre-temps la Société Anonyme Belge de Construction Aéronautique (SABCA) est constituée le 16 décembre 1920 avec l'aide de la SNETA.

 Au début de 1921, le CENAC utilise six hydravions Lévy-Lepen de construction française en vue de relier Stanleyville à Léopoldville sur une distance de 1725km en procédant par étapes successives : le voyage s’effectue en trois jours alors que celui-ci prenait trois semaines en bateau.Le choix de l'hydravion s'impose car le seul moyen de se repérer est de suivre le cours du fleuve Congo et la brousse rend tout atterrissage impossible ailleurs que sur l'eau. La ligne est baptisée LARA (Ligne Aérienne du Roi Albert) en hommage au Roi pour son encouragement au développement de l'aviation et celle-ci devient la première liaison coloniale au monde. Fortement déficitaire cette ligne sera supprimée dès 1922 mais d'autres alternatives sont étudiées pour joindre Léopoldville au Katanga dont les gisements de cuivre sont d'un intérêt capital pour la métropole.

 La SNETA passe commande de ses premiers véritables avions de ligne, six Farman Goliath de construction française ; ces avions offrent douze places dans une cabine considérée comme spacieuse pour l'époque.

 Cependant, 1921 est une année désastreuse pour la société : quatre accidents endeuillent les ailes civiles belges et l'incendie d'un hangar à l'aérodrome d'Evere détruira sept autres avions en septembre. En conséquence, la liaison sur Londres est suspendue faute d'avion mais sera ensuite exploitée par les Anglais.

 En juin 1922, la SNETA estime que sa tâche d'expérimentation est terminée et qu'il est temps de passer la relève à une véritable société de transport aérien : les statuts de la Société Anonyme Belge pour l'Exploitation de la Navigation Aérienne (SABENA) sont approuvés par les Chambres en mars 1923 et le 23 mai l'acte de constitution est passé devant notaire. Partenaire principal, la SNETA représente les actionnaires privés jusqu'en 1949 tandis que l’État Belge et le gouvernement du Congo Belge se décident à entrer dans le capital de la société. Georges Nélis est placé à la tête de la nouvelle compagnie.

 La flotte de la SABENA, dont les avions proviennent de la SNETA, se compose de quatre DH9 ; trois Rumpler C-IV ; un DH4 ; quatre Spad 33 ; un Ansaldo A300C et un Farman Goliath. Dans un premier temps, les vols réguliers sont suspendus afin de mettre en place l'organisation de la compagnie et le premier avril 1924 la première liaison régulière Bruxelles-Strasbourg est effectuée en Handley – Page H8 qui marque le début d'une grande aventure.