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Petite escale à Bangui, au cœur du chaos…

Benoît Denet - Janvier 2014

 Il arrive parfois de vivre des instants au cœur même de l’actualité. Aujourd’hui, j’accompagne un chargement de Médecins Sans Frontières (MSF) pour Bangui en République centrafricaine. Cette capitale est en proie à des violences entre divers groupes rebelles et l’armée locale depuis plusieurs semaines.
 Notre MD11 a été chargé à l’aéroport de Liège 8 heures auparavant. La cargaison consiste en 2 jeeps ainsi que 30 tonnes de matériel comprenant des vaccins, des médicaments, des tentes et de l’équipement.
 Après 7 h de vol et la descente, le contrôle aérien nous demande de patienter en l’air (holding) car il y a trop de monde sur la piste…Un Antonov 12 est dans le même circuit d’attente 1500 pieds plus haut que nous. Nous comprendrons plus tard ce qui se passe exactement ‘en bas’.
 Enfin, c’est l’atterrissage dans la brume matinale et la piste est littéralement entourée de réfugiés. Des milliers de gens se pressent de chaque côté, juste en bordure de piste et nous réalisons l’ampleur de la situation.

Le déchargement s’effectue sans souci et assez rapidement car il faut libérer le parking pour d’autres avions.
Le responsable local de MSF m’explique qu’un camp de plus de 80000 personnes fuyant les combats s’est installé sur la zone de l’aéroport, juste à côté de notre avion. Il est parfois très compliqué de maintenir la population en dehors de la piste et des parkings. Le jour précédant, un appareil a dû attendre 1h (en holding) avant qu’une piste ne soit dégagée !
Ces réfugiés manquent de tout, y compris de nourriture, mais espèrent être en sécurité à l’aéroport avec l’armée française présente en masse en ce point névralgique du pays.
On m’explique que les combats se font parfois en bordure même de l’aéroport, les tensions entre musulmans et chrétiens étant fortes.
Apparemment, MSF est la seule ONG sur place et essaie de construire un hôpital de 80 lits à Bangui.


 Une fois le déchargement terminé, les camions de MSF quittent la zone en convoi, escortés par des militaires.
Tout l’équipage est  sous le choc par cette détresse humaine et nous ne pouvons aider qu’en donnant nos quelques repas restants ainsi que des bouteilles d’eau, une bien maigre contribution vu le drame qui se joue ici.
Des avions, y compris militaires, effectuent des évacuations de civils vers les pays environnants. Des Let 410, peints en blanc avec les marquages UN, partent vers d’autres zones retirées du pays. Arrivent ensuite un CN-135 tout neuf de l’Armée camerounaise puis  un  MA60 (version chinoise de l’An-24) civil; ils effectuent l’évacuation de ressortissants étrangers.


Après deux heures trente, il est temps pour nous de quitter la capitale centrafricaine ; il y a toujours autant de monde à gauche comme à droite de la piste. Malgré toute la détresse et le désespoir de la situation, la population nous fait de nombreux signes avec les mains en guise d’au revoir…


 Pour notre équipage très expérimenté, ayant déjà été dans de nombreux endroits du globe, y compris en zone de guerre, voir un tel chaos laisse sans voix. Nous ne sommes pas près d’oublier ce vol.