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Une journée à Salon de Provence.

Fabien Bernard - Mai 2011

 La base aérienne 701 de Salon-de-provence est peut-être l'une des plus connue dans nos contrées Françaises. La première raison est simple, elle abrite la Patrouille de France. Mais cette base ne s'arrête pas à cette seule valeur. C'est un haut lieu de formation  puisqu'on y trouve l'école de l'air formant les futurs officiers de l'armée de l'air Française. On y trouve aussi une autre branche des démonstrateurs avec l'EVAA (Equipes De Voltiges de l'Armée de l'Air). Je vais donc diviser cet article en deux parties, la première parlant de l'EVAA et la deuxième de la PAF.

L'EVAA est née le 1 mars 1968 de la frustration de ne pas avoir leur propre équipe de voltige contrairement à l'ALAT. En arrivant directement à Salon sur Stampe, elle rejoint la patrouille de France déjà implantée avec les Fouga Magister. L'EVAA et la PAF forment alors l'EPAA (Equipes de Présentations de l'Armée de l'Air). Après plusieurs changements de machines avec un long passage sur Cap 10, elle est depuis 2008 équipée d'extra 300. L'entraînement auquel nous avons assisté c'est déroulé en deux temps. Le premier fut un entraînement type Aresti et le second un entraînement type meeting, appelé free flight.
L'ARESTI correspond à une évolution réalisée en compétition. Les pilotes exécutent un programme préalablement communiqué aux juges (un fonctionnement similaire aux gymnastes). Ils doivent réaliser à la figure près et avec la plus grande précision le programme prévu dans un cube virtuel (le Box) de 1000 mètres de côté. Il est matérialisé au sol par des traces blanches de 9 mètres de longs. Sachant que pour des raisons de sécurité l'avion ne peut évoluer en dessous de 100 mètres, il ne reste que 900 mètres aux pilotes dans l'axe vertical pour exécuter ses figures. Lors de cette séance de vol, le pilote va subir des variations de -10 G à +10 G (respectivement pour la voltige négative et positive). Ces valeurs étant énormes, elles ne peuvent être subies qu'une fraction de seconde par le pilote. Ils absorbent donc ces extrêmes lors de virages très courts et serrés. D'ailleurs, à la sortie de l'extra 300, l'expression du visage témoigne à elle seule de la violence du combat qu'il vient de mener en seulement 20 minutes. Par comparaison immédiate, la Patrouille de France ne dépassera pas les 8 G, mais elle la subira durant de long moment, notamment durant la première phase de la démonstration avec les figures groupées comportant de longs virages à grande vitesse.
Le Free Flight est quant à lui un programme libre, purement créé pour le show. Le pilote prépare sa chorégraphie avant son vol, et va donner une démonstration spectaculaire. Il a donc ici un rôle purement communicatif, au même titre que la Patrouille de France. Il montre le savoir faire de l'Armée de l'Air Française.

La Patrouille de France est la preuve même de la rigueur de notre bienveillante Armée de l'Air puisqu'elle ne se produit que pour des événements aéronautiques ou nationaux comme lors du traditionnel défilé du 14 juillet à Paris. Il n'y a donc pas de compétition en jeu. La première difficulté du vol est le maintien des aéronefs entre eux lorsqu'ils sont en patrouilles. Mais leur réussite n'est pas due au hasard mais à un travail acharné dans une cohésion de groupe qui doit servir d'exemple pour nous tous. Quand je parle de groupe, j'inclue bien évidemment les pilotes, mais aussi les mécaniciens, les secrétaires et tout le personnel en constante relation qui permet le maintien, la qualité et le bon déroulement de chaque entraînement et de chaque présentation public.
C'est lors du meeting d'Alger le 17 mai 1953 que dans l'enthousiasme de son commentaire, Jacques Noetinger a qualifié de « Patrouille de France » la formation de quatre F84G. Depuis, elle a fait son chemin en passant par de multiples appareils comme le Stampe, le Vampire ou plus récemment le fabuleux Fouga Magister. Elle est aujourd'hui dotée d'Alpha jet, ces mêmes avions utilisés pour la formation des pilotes de chasses dans cette armée. C'est un avion d'entraînement destiné à l'écolage. Mais en patrouille, le pilotage devient un exercice différent, demandant des gestes particuliers, une concentration absolue, un savoir faire unique…un pilotage s'adressant à l'élite.
Le rythme des journées est effréné. Ce qui marque le plus, à mon sens, c'est le respect des horaires à la minute. Si le briefing est prévu à 14h53, alors il ne commencera pas avant, même si tous les protagonistes sont prêts. La rigueur militaire est respectée, c'est très certainement un gage de leur réussite. Ils effectuent deux vols quotidiens, un le matin et un l'après-midi. Ils s'entraînent généralement au-dessus de Plan-De-Dieu, mais peuvent faire des séances verticales Salon ou aller s'entraîner au-dessus de la mer (souvent à Solenzara avant les meetings, mais cette année, ce fût Cazaux en raison des événements Libyens).
Un vol se prépare une heure et demie avant en commençant par répartir des taches précises entre pilotes comme téléphoner pour prendre les derniers bulletins météo. Ils s'habillent de leur combinaison anti-G, et commencent à faire le vide, à se concentrer. Il vient ensuite le temps du fameux briefing, 40 minutes avant le départ, où la célèbre musique est jouée par les huit pilotes. Cette séance se tient normalement à huis clos, mais nous aurons la chance d'être admis. Un spectacle bluffant. Les pilotes s'immergent dans l'avion, miment les gestes qu'ils devront effectuer, s'expriment comme ils devront le faire. Un sentiment de sécurité et de confiance émane alors de ces Hommes. Tout est prévu et l'imprévu sera maîtrisé car il est déjà pensé. Dans leurs gestes, un détail attire l'œil : le mouvement de leurs doigts est presque toujours un effleurement ; et pour cause, la gouverne de profondeur n'est manipulée que par l'intermédiaire du trim. Quand ils nous disent que le pilotage ne ressemble à rien d'autre, ce genre de détail nous le prouve, à nous passionnés et connaisseurs. Une fois cette phase clôturée, ils finissent de se préparer rapidement. Ils n'ont alors plus que 20 minutes pour gagner leurs avions, s'attacher, démarrer et décoller. Les mécaniciens ont déjà prévu et les as de la voltige n'ont plus qu'à s'installer sans se soucier de la machine et de l'environnement annexe.
La répétition se fera verticale Salon, un cadre magique et emblématique avec les paysages provençaux et l'école de l'air en arrière plan. Nous aurons droit à deux cœurs.
Après le posé, chaque avion roule sur ce taxi way pour regagner sa place.  Ils sont donc passés devant nous, avec un petit signe de la main de chacun en clôture de cette fantastique journée.
Toujours présents tout au long de cette journée, d'une sublime ouverture d'esprit, ces hommes et ces femmes font partager leur passion et leur savoir avec enthousiasme, joie et humour. Ce sont lors de tels moments que l'on prend conscience que le milieu aéronautique est non seulement unique, mais aussi vecteur de sentiments formateurs pour notre vie.