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La saga des quadriréacteurs de British Aerospace

Luc Barry - Mars 2015


 Après la seconde guerre mondiale, les énormes surplus d'avions de transport en provenance de l'armée américaine sont disponibles sur le marché de l'occasion. Les compagnies aériennes en profitent pour reconstituer leurs flottes détruites pendant le conflit et l'emblématique DC3 ouvre de nouveaux horizons dans un marché aérien en constante progression.
 Dès la fin des années cinquante, il faut penser au remplacement de ces machines vieillissantes. Les constructeurs d'avions dans le monde proposent une variété de modèles qui ne connaîtront pas tous le succès escompté. Parmi les diverses études des avionneurs anglais se distingue le modèle 123 du constructeur De Havilland, en proposant un avion semblable à l'Airspeed Ambassador de construction anglaise ayant équipé en grand nombre les British Europan Airlines mais équipé de deux turbopropulseurs à la place des moteurs traditionnels à piston.
 En 1960, les regroupements de sociétés imposées par le gouvernement britannique obligent la firme De Havilland à s'intégrer au groupe Hawker Siddeley. Le projet est abandonné car faisant double-emploi avec celui du modèle 748 développé par Hawker Siddeley. Plusieurs modèles de biréacteurs sont ensuite proposés par De Havilland : le DH126 de même capacité que le DC3 à 23 sièges; le HS131 utilisant le fuselage du HS748 à 50 places et le HS136 similaire au futur Boeing 737-100. Aucune de ces études n'aboutissent car les moteurs devant équiper ces avions ne seront jamais produits en série. Hawker Siddeley sort un nouveau projet de biréacteur HS144, qui devait être équipé de moteurs Trent; celui-ci connaîtra un sort identique aux précédents suite à la faillite du motoriste Rolls Royce.
 A la fin des années soixante, les progrès en matière d'avions à hélices STOL – Short Take Off and Landing- incitent des constructeurs à se pencher sur le transfert de cette technologie vers des avions à réaction moins bruyants pouvant être utilisés indifféremment sur des aéroports proches des centres urbains - QSTOL-Quiet Short Take Off and Landings - et dans les pays disposants de pistes courtes et sommairement aménagées.
 En 1971, Hawker Siddeley propose un modèle d'avion correspondant aux caractéristiques QSTOL. Il s'agit d'un quadriréacteur à ailes hautes et moteurs disposés sous celles-ci en nacelle, afin d'éviter l'ingestion d'objets éventuels pouvant traîner sur les pistes, ainsi que des trappes situées sur le train atterrissage de même fonction. En option, un klaxon sera également installé dans le but d'effrayer tout animal égaré sur les pistes. Après évaluation des divers réacteurs disponibles sur le marché, l'ALF502 de Textron, largement utilisé pour la motorisation d'hélicoptères est retenu. Ce réacteur de faible poids - moins de 600kg - est très maniable et nécessite une infrastructure simple et légère pour sa maintenance ce qui est un atout pour les petites compagnies aériennes notamment africaines. Une maquette en bois de grandeur réelle est construite avec fuselage aménagé en rangées de cinq sièges de front. Deux versions de ce nouvel avion court à moyen-courrier sont envisagées : le HS146-100 d'une capacité de 71 à 88 passagers et le HS146-200 capable d'emporter 82 à 102 passagers.
 Le conflit israélo-arabe du Yom Kippour, la crise du pétrole en 1973 et l'augmentation du prix de celui-ci ont pour conséquence la forte chute du nombre de passagers transportés entraînant une diminution des commandes de nouveaux avions. Le projet HS146 est suspendu jusqu’à la formation de British Aerospace en 1978 suite à la nationalisation de British Aircraft Corporation; Hawker Siddeley Aviation et Scottish Aviation.
 Le prototype immatriculé G-SSSH du Bae146-100 sort du hangar le 20 mai 1981 et ce même jour la compagnie américaine Air Wisconsin devient la compagnie de lancement pour une commande de quatre Bae146-200 plus quatre supplémentaires en option. D’autres compagnies américaines suivront telles que les Pacific Southwest Airlines. Le premier vol du prototype Bae146-200 immatriculé G-WISC a lieu le premier août 1982 et la compagnie anglaise Dan Air London est la première à mettre le Bae146-100 en ligne en mai 1983 sur la liaison Gatwick - Dublin suivie par le premier vol commercial du Bae146-200 d’Air Wisconsin un mois plus tard. Les tournées de présentation dans le monde séduisent plusieurs compagnies aériennes américaines, asiatiques et australiennes qui optent pour la version allongée du Bae146-200 suite à la forte progression du nombre de passagers transportés dans le monde. Entre temps la RAF s'intéresse à la version CC2, en fait un avion de la série 100, et en commande deux exemplaires en vue du remplacement des Andover du Queen's Flight. 
 Afin de satisfaire les clients potentiels, une version offrant un nombre encore plus élevé de sièges est prévue, le prototype de la version originale du Bae146, G-SSSH, est transformé en modèle 300 par ajout au fuselage original de deux sections : l'une à l'avant et l'autre à l'arrière. Ré immatriculé G-LUXE, doté de moteurs modernisés et d'avionique EFIS, le nouveau modèle est présenté le premier mai 1987.
 Dans le souci d'offrir une gamme complète d'avions régionaux à réaction pouvant intéresser tous les secteurs de l'aviation commerciale et du transport militaire, des versions convertibles passagers/cargo sont mises sur le marché : le modèle QT - Quiet Trader – version full cargo; le modèle QC – Quick Change – version convertible en passager /cargo et STA – Small Tactical Airlifter ou Sideloading Tactical Airlifter – cargo militaire basé sur le modèle 100QT avec perche au-dessus du cockpit pour ravitaillement en vol. L'avion de démonstration G-BSTA présenté au Salon du Bourget en 1989, repeint en couleurs de camouflage ne reçoit cependant aucune commande. La version QT, disponible dans les versions 100 et 200 est testée en ligne par TNT, celle-ci, enchantée par les prestations réduites de bruit, en commande 21 exemplaires pour une utilisation principale de nuit.
 En juillet 1988, un Bae146 du constructeur devient le premier jet à se poser sur le nouvel aéroport de Londres-City installé près du centre de la capitale. La piste d'une longueur initiale de 1080m et l'angle de descente de 5,5° exigé pour des raisons de réduction de bruit font en sorte que les Bae146 sont, dans un premier temps, les seuls jets à pouvoir y atterrir. Reconnu par ses utilisateurs comme avion peu bruyant, il est baptisé Whisperjet tandis que Swissair, compagnie de lancement de la version RJ85, lors de son introduction dans sa flotte le surnomme Jumbolino en référence à sa large section de fuselage et à sa cabine silencieuse. Une version biréacteur retenant la configuration usuelle est envisagée, dénommée Bae146 NRA - New Regional Aircraft, mais reste au stade de projet.
 Après les dénationalisations des firmes anglaises décidées par le gouvernement et la réorganisation des chaînes de montage sur le site de Woodford historiquement associé au constructeur Avro, il est décidé en 1993 de changer la dénomination en Avro International Aerospace et les avions en Regional Jet. Dotés d'avionique et de réacteurs dernier cri, les nouvelles dénominations font dorénavant référence aux sièges disponibles dans chacune des versions : 70 pour le RJ70 / Bae146-100; 85 pour le RJ85 / Bae146-200 et 100 pour le RJ100 / Bae146-300. Des versions haute densité du RJ100 sont mise à l'étude mais n'aboutiront pas : les RJ115 et RJ120 pouvaient respectivement transporter de 115 à 128 passagers à 6 sièges de front avec un poids maximum au décollage plus élevé. De même les versions proposées en Business Jets, sous l'appellation Statesman, doivent être abandonnées suite aux modèles proposés par la concurrence dans cette gamme d'avions.
 La firme américaine Conair a entre-temps modifié trois RJ85 en avion bombardier d'eau pour extinction des feux de forêt; chacun ayant une capacité d'emport de 12246 kg en liquide.
 De nouveaux modèles plus économiques à l'usage et au rayon d'action plus élevé de 17% apparaissent en 1999, propulsés par une version améliorée du réacteur Honeywell AS977 : le RJX85 immatriculé G-ORIX et le RJX100 immatriculé G-IRJX. Ils effectuent leur premier vol respectivement en avril et en septembre 2001. Quelques commandes sont placées mais non honorées car le 27 novembre 2001, les attaques terroristes du 11 septembre aux États-Unis entraînent une sérieuse crise du transport aérien. British Aerospace annonce l'annulation du programme RJX tout en continuant la construction et la livraison des avions en cours jusqu'en 2002.
 Au total 394 machines, toutes versions confondues, sont construites pour plus de 60 opérateurs civils et militaires dans le monde.